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Maroc : renaissance du vieux quartier juif de Marrakech

Au cœur d'un vaste plan de rénovation depuis un peu plus de deux ans, le quartier juif historique de Marrakech (centre) renaît, drainant de nombreux touristes. Le chantier a déjà bénéficié d'une enveloppe de 17,5 millions d'euros. Un renouveau impulsé par le roi Mohammed VI qui a demandé, fin 2016, que l’on rebaptise de leurs noms d’origine les ruelles et places du quartier.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Dans les rues du Mellah, le vieux quartier juif de Marrakech (Maroc), le 13 octobre 2017 (FADEL SENNA / AFP)

Isaac Ohayon guide avec entrain les touristes qui affluent, toujours plus nombreux, dans la cour de la synagogue Lazama à Marrakech. «Ici», explique-t-il, «vous entrez dans la dernière synagogue du Mellah», un terme qui désignait autrefois les quartiers réservés aux juifs dans les villes marocaines.

Dans la cité ocre, destination touristique phare du pays, ce quincailler jovial de 63 ans ne compte pas son temps pour «faire revivre» ce lieu de culte et d'études construit en 1492 à l'époque de l'Inquisition, quand les Juifs furent chassés d'Espagne. «Beaucoup de touristes viennent d'Israël (...). Il y a une demande, vous ne pouvez pas imaginer!», s'exclame-t-il.

Rebaptisé Essalam (la paix en arabe) il y a une vingtaine d'années, le quartier a repris début 2017 son nom originel d’«El Mellah», sur instruction du roi Mohammed VI, pour «préserver la mémoire historique des lieux», selon le communiqué officiel. Mais aussi «développer la vocation touristique» de Marrakech.

Les ruelles aux façades ocre ont retrouvé leurs plaques en hébreu, celle qui abrite la synagogue est redevenue «Talmud Thora». Sur la place voisine des Ferblantiers, un vaste espace piéton, agrémenté de bancs et de palmiers, accueille les bus touristiques, à deux pas du souk (marché) aux épices, lui aussi restauré. «Depuis la rénovation du quartier, il y a de plus en plus de touristes», se félicite Jacob Assayag, 26 ans, «restaurateur et chanteur» qui se présente fièrement comme «le dernier juif jeune de Marrakech».

La «synagogue des exilés», que fait visiter Isaac Ohayon, a accueilli des générations d'élèves de confession juive envoyés des villages berbères de la région pour s'initier à la Torah. Elle a été désertée au fil des départs, après la création de l'Etat d'Israël, en 1948, et l'indépendance du Maroc de la France, en 1956.

Cérémonie religieuse dans une synagogue du Mellah, le 13 octobre 2017, à l'occasion de la fête de Souccot, la fête des Cabanes. (FADEL SENNA / AFP)

Une communauté très âgée
Dans les salles de classe transformées en petit musée, des photographies aux couleurs passées rappellent l'histoire de la communauté désormais dispersée en France, en Amérique du Nord et surtout en Israël. «L'Agence juive a commencé à recruter les plus pauvres dans les années 50 et puis tout le monde est parti après l'indépendance (1956, NDLR), au moment de la politique d'arabisation menée par Hassan II», raconte Rebecca, une visiteuse qui a grandi à Paris, et garde une «grande nostalgie» du Maroc.

Avant les vagues d'émigration, le pays accueillait la plus importante communauté juive d'Afrique du nord, de 250.000 à 300.000, voire 400.000 âmes, selon les estimations. Il en resterait moins de 3000 aujourd'hui.

Au pied de l'Atlas, Marrakech comptait à elle seule plus de 50.000 juifs au dernier recensement de 1947. Ils ne sont plus qu'une petite centaine aujourd'hui, souvent très âgés, selon les informations recueillies sur place.

Les maisons du Mellah ont été vendues, des familles musulmanes modestes s'y sont installées.

Aujourd’hui, une fois passées les portes du quartier, les visiteurs photographient avec enthousiasme les échoppes et les maisons aux portes ouvragées. «Beaucoup viennent chaque année d'Israël pour les fêtes. Cette année, ils sont encore plus nombreux : peut-être 50.000», estime David, un guide israélien qui accompagne un groupe arrivé de Tel-Aviv via Malaga (Espagne) pour un circuit de huit jours.

Augmentation de la fréquentation touristique
«Le Maroc, c'est chez moi parce que je suis né ici», raconte cet homme de 56 ans qui vit à Ashdod, sur la côte israélienne au nord de la bande de Gaza. Ses parents ont quitté le royaume dans les années 60, quand il avait 4 ans, «parce qu'ils étaient sionistes».

«Les juifs marocains ne peuvent pas oublier leur pays et les Israéliens qui viennent ici pour la première fois n'arrivent pas à croire que l'on puisse vivre comme ça, dans la tolérance, eux qui vivent dans les tensions» face aux musulmans, argue Isaac Ohayon.

Un habitant du Mellah, le quartier juif de Marrakech, à sa fenêtre le 13 octobre 2017. (FADEL SENNA / AFP)

Globalement, le Maroc a vu sa fréquentation touristique augmenter en 2017 grâce à son image de destination sûre, enregistrant 4,6 millions de touristes au cours du premier semestre 2017 (+9% comparé à la même période de 2016), selon les autorités du pays citées par huffpostmaghreb.com.

Officiellement, le royaume n'entretient aucune relation économique ou diplomatique avec l'Etat hébreu. Et le sujet y reste sensible.

Pourtant, les relations sont anciennes. Israël a ainsi entretenu un bureau de liaison à Rabat jusqu’au déclenchement de la seconde intifada en 2000. En 1965, selon le quotidien israélien Yediot Aharonot, le roi Hassan II du Maroc, «qui n’avait pas confiance» dans ses homologues invités pour un sommet de la Ligue arabe, aurait même secrètement fourni au Mossad israélien leurs plans pour la future guerre de 1967.

Aujourd’hui, l’on constate «de plus en plus d’échanges» entre les deux pays, selon le journal en ligne The Times of Israël. Ainsi, le tourisme et les affaires prospèrent. Les relations commerciales auraient atteint en 2017 plus de 4 millions de dollars par mois, selon la presse marocaine. 

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