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EgyptAir: Le Caire s'accommoderait bien de la thèse de l'attentat

Les premiers débris de l’A320 d’EgyptAir viennent d’être retrouvés. Mais le mystère demeure sur les causes du drame. Accident? Attentat? A Paris, les autorités ne se prononcent pas. Etonnamment, le Caire s’est empressé de parler d’attaque terroriste. Une attitude surprenante, alors que les Egyptiens ont attendu quatre mois avant de reconnaître que le crash de Charm-el-Cheik était dû à une bombe.
Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Les familles des victimes du crash du MS804 reçues par EgyptAir. (AFP)

Retour en arrière. Le 31 octobre 2015, lorsqu’un A321 de la compagnie russe Métrojet se rendant à Saint-Pétersbourg s’écrase peu après son décollage de Charm-el-Cheikh en Egypte. L’attentat est revendiqué dans la journée par un groupe terroriste, l'Etat islamique en province du Sinaï. Une revendication prise au sérieux, rapidement corroborée par les études des spécialistes. Pourtant, et malgré une seconde revendication de Daech, puis les révélations des services secrets russes, l’Egypte campe sur ses positions et refuse de reconnaître un attentat.
 
Quatre mois de déni
Ce n’est que quatre mois plus tard, le 24 février 2016, que le président al-Sissi finira par admettre l’évidence. Mais, c’est pour mieux dédouaner le personnel des aéroports du pays, réfutant tout laxisme dans les contrôles des bagages et des passagers.
Qu’importe si le 4 novembre 2015 le chef de l’aéroport de Charm-el-Cheikh a été remplacé, officiellement pour une promotion.
 
Il s’agit de ne pas inquiéter le touriste potentiel, dans un contexte extrêmement difficile pour un secteur économique qui représente plus de 10% de la richesse du pays. Officiellement, la sécurité dans les aéroports d’Egypte est parfaite, quant à celui de Charm-el-Cheikh, «je ne pense pas que même un rat venant du désert puisse faire quoique ce soit», déclarait en mars 2015 le ministre du Tourisme Khaled Rami.
 
Détournement vers Chypre
Le 29 mars 2016, une autre affaire secoue le monde aéronautique égyptien. Un homme détourne un vol intérieur de la compagnie EgyptAir entre Alexandrie et Le Caire, menaçant de faire sauter l’appareil avec sa ceinture d’explosifs. Détournement tragi-comique vers Chypre qui va durer six heures, pendant lesquelles Seif al-Din Mohamed Mostafa, le pirate, se laisse prendre en photo par les passagers et les membres de l’équipage.
 
Au final, la ceinture d’explosifs était factice, et l’homme «psychologiquement instable» voulait revoir son ex-femme pour lui passer une lettre. Dans cette affaire, la nature terroriste de l’acte a été systématiquement gommée. L’événement a été vigoureusement dédramatisé, habile façon de faire passer au second plan l’échec de la sécurité, encore une fois mise à mal. D’autant qu’on apprend aujourd’hui que l’homme aurait en fait eu des intentions plus politiques. Dans sa lettre, disent ses proches, il dénoncerait les méthodes du régime d’al-Sissi.
 
«Probabilité d’attentat»
Et voici que cette fois avec la disparition du vol MS804, l’Egypte accrédite, sans apporter aucun élément, la thèse de l’attentat. Tout en ne souhaitant «pas tirer de conclusions hâtives», le ministre égyptien de l'Aviation civile Ahmed Fathy avait estimé jeudi 19 mai 2016 que «la probabilité d'une attaque terroriste était plus élevée que celle d'une défaillance technique».
Quelle mouche a donc piqué le ministre pour s’engager dans cette voie ?
 
Il est cette fois bien plus commode de faire porter le chapeau de la sécurité aérienne à un pays tiers. L’avion n’a décollé ni d’Alexandrie, ni de Charm-el-Cheick, mais de Roissy-Charles de Gaulle, en France. L’aéroport parisien fait partie des plus protégés au monde. Et donc, à Paris également, le personnel n’aurait pas été capable de détecter un engin explosif.
 
Belle façon de dédouaner, en creux, les services aéroportuaires égyptiens de toute responsabilité lors des précédentes affaires. La sécurité absolue n’existe pas, dit en substance le ministre Ahmed Fathy, que ce soit à Charm-el-Cheik ou à Paris.

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