Egypte : Bassem Youssef, chirurgien moqueur
Bassen Youssef n'entend pas «céder» à la pression judiciaire. «Le ton de mon émission va se durcir», promettait-il ainsi sur la chaîne américaine CNN, le 1er avril, au lendemain de sa libération contre une caution de 15.000 livres égyptiennes (1705 euros).
Vilipendé par l'opposition, le procureur général avait interrogé pendant cinq heures l'animateur accusé par les Frères musulmans, au pouvoir depuis moins d'un an, d'avoir insulté l'islam et le président Morsi dans son émission diffusée sur la chaîne CBC.
Lorsqu'il commente l'actualité politique, Bassem Youssef se montre impitoyable. Son regard est grinçant et percutant. Al-Bernameg (saison 2) qui s'inspire de la célèbre émission de satire politique américaine, le Daily Show de Jon Stewart, a débuté en novembre 2012. Tourné chaque vendredi, en direct et en public, le show rassemble plusieurs millions de téléspectateurs et, sur son compte Twitter, l'humoriste compte près de 1,4 million d'abonnés.
Se lancer dans la satire
Pendant les dix-huit jours du soulèvement populaire, ce médecin de 38 ans vient en aide aux blessés de la place Tahrir. La couverture de l'événement par les médias d'Etat le pousse à se lancer dans la satire. «Il y avait tellement de mensonges (...) à chaque fois que je revenais de Tahrir et que je regardais la télé, j'étais très énervé», confiait-il en novembre 2011.
L'animateur humoriste, dont la voix est devenue l'une des plus incisives du monde arabe, fait ses débuts sur YouTube, juste après la chute de Moubarak. Succès immédiat auprès de centaines de milliers d'Egyptiens avant que la chaîne privée ONTV, populaire auprès des activistes, ne l'invite à diffuser al-Bernameg.
Des plaisanteries supposées sur le rituel de la prière «mettant en cause l'un des cinq piliers de l'islam» lui valent d'être accusé de chercher à «diffuser l'athéisme». La multiplication des procédures du même genre contre des personnalités de médias alimentent les critiques contre le pouvoir du président Morsi, accusé de chercher à intimider la presse et de remettre en question la liberté d'expression.
Les Etats-Unis ont récemment exprimé leur «inquiétude» face aux poursuites contre l'animateur et dénoncé la «tendance préoccupante à ce que la liberté d'expression soit de plus en plus contrainte» en Egypte.
Le président égyptien Morsi, issus des Frères musulmans, a quant à lui démenti vouloir porter atteinte à la liberté de parole et affirmé que les plaintes contre l'humoriste n'émanaient pas de la présidence mais de «citoyens» hostiles à son humour.
Morsi retire ses plaintes
Le président a ordonné le retrait de toutes les plaintes déposées contre des journalistes pour avoir publié des rumeurs sur lui, a-t-on appris sur Twitter. Cette décision a été prise «par respect pour la liberté d'expression», a précisé l'agence officielle Mena.
La présidence avait porté plainte contre des journalistes comme le présentateur Mahmoud Saad, dont une invitée, la psychologue Manal Omar, avait dit que le chef de l'Etat souffrait de problèmes psychologiques.
Pendant sa campagne, M.Morsi, s'était engagé à garantir la liberté des médias, promettant de «n'empêcher personne d'écrire».
Mais selon l'avocat et défenseur des droits de l'Homme Gamal Eid, il y a eu quatre fois plus de plaintes pour «insulte au président» lors des 200 premiers jours de M.Morsi au pouvoir que pendant les 30 ans de règne de Hosni Moubarak.
Dernière pirouette de Bassem Youssef : il vient de déclarer sur Twitter qu'il suspendait son émission «pour quelques semaines». L'humoriste entretient le suspense précisant qu'il participera à un «grand événement international». Au même moment, l'Ecole Normale Supérieur de Paris annonçait sa participation, le 18 avril, à La semaine arabe 2013.
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