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L’Arabie Saoudite supplante le Qatar en Egypte

Au pays des Pharaons, l'Arabie Saoudite a repris la main sur le Qatar, principal soutien des Frères musulmans. Une semaine après l'ultimatum de l'armée égyptienne qui a renversé Morsi, trois pays du Golfe ont promis 12 milliards de dollars aux nouvelles autorités du pays.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le roi Abdallah d'Arabie, le 13 mars 2013. (AFP PHOTO/HO/SPA )
L'Arabie Saoudite, les Emirats et le Koweït entendent redonner une bouffée d'oxygène à l'Egypte. Ces trois monarchies du Golfe ont annoncé une aide de 12 milliards de dollars destinés au Caire : cinq milliards des Saoudiens auxquels s’ajoutent trois milliards des Emiratis et quatre des Koweitiens. 

Outre le Qatar, qui a versé plus de sept milliards de dollars à l'Egypte durant l'année de présidence de Mohamed Morsi, les autres pays du Golfe étaient restés à l'écart des difficultés économiques du pays, craignant l'influence potentielle des Frères musulmans auprès de leurs propres populations.

Les Saoudiens soutiennent al-Nour
Alliée historique des Etats-Unis au Proche-Orient, l'Arabie Saoudite avait été, avec les Emirats arabes Unis, la première à saluer la nouvelle administration égyptienne suite au renversement du président Morsi, le 3 juillet 2013. Les Saoudiens soutiennent le parti salafiste al-Nour, deuxième force islamiste du pays. Courtisé par l'armée, qui a renversé Mohamed Morsi avec l'appui de la rue, al-Nour revendique aujourd'hui 800.000 membres, autant que la confrérie fondée en 1928 par Hassan al Banna.

«Le royaume saoudien a soutenu l’Egypte des Frères musulmans, mais il a reconsidéré son soutien dès lors que cette confrérie a échoué à gérer le pays avec sagesse», a indiqué le directeur du Gulf Research Centre, Abdel Aziz al-Sager.


Riyad et Doha ont deux approches différentes de l'islam politique qui a émergé dans la foulée du Printemps arabe. Le premier fait la promotion des groupes salafistes, plus portés sur des questions religieuses comme le port du voile islamique ou l'interdiction de la mixité. L'Arabie Saoudite et les Emirats ont toujours privilégié l'ordre autoritaire, craignant de voir leur propres royaumes destabilisés. Le second s'est rangé du côté des partis politiques issus des Frères musulmans, dont l'existence a tourné court malgré le puissant soutien médiatique de la chaîne al-Jazeera

«Le Qatar a outrepassé ses limites»
Le Qatar et la Turquie avaient soutenu activement la confrérie égyptienne ainsi que d'autres forces islamistes en Libye et en Syrie. «Le Qatar a tenté de prendre le leadership dans la région, mais il a outrepassé ses limites en parrainant clairement les Frères musulmans en Egypte, en Syrie et ailleurs, dans les pays du Printemps arabe», explique un spécialiste koweïtien, Ayed al-Manaë.

Signe du retour en force de l'Arabie Saoudite en Egypte, la chaîne qatarie al-Jazeera, grand sponsor des Frères musulmans en Egypte comme en Tunisie, est aujourd'hui interdite de diffusion au Caire par l'armée. Créée en 1996 par l'émir du Qatar, la chaîne satellitaire a su s'imposer face à sa principale rivale dans le monde arabe, al-Arabiya

Al-Arabiya surnommée «al-ibriya» (la juive)
Créée en 2003, la chaîne al-Arabiya fait contrepoids à al-Jazeera et propose une lecture des événements conforme aux positions saoudiennes et, par extension, américaines voire israéliennes, au point d'être surnommée par ses détracteurs al-ibriya (la juive).

Toutefois, pour le chercheur saoudien Abdel Aziz al-Sager, «l'entente saoudo-qatarie existe toujours et il n'y a pas de lutte d'influence entre les deux pays». Pour preuve, «le royaume (saoudien) avait été mis dans la confidence par le Qatar et son projet de changements politiques, six mois avant qu'ils se produisent. Et il s'en est félicité», explique-t-il. L'émir du Qatar, cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, avait officiellement annoncé, le 25 juin 2013, qu'il abdiquait en faveur de son fils, le prince héritier cheikh Tamim. Une première dans une monarchie du Golfe.

Selon certains experts, la destitution de Mohamed Morsi est un coup dur pour les positions du Qatar, en Egypte et dans tous les pays du Printemps arabe.

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