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La sécheresse en Ethiopie détruit le mode de vie séculaire des éleveurs nomades du sud

Article rédigé par franceinfo Afrique avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 1min

Terre devenue aride, mort du bétail, famine : la sècheresse pousse les habitants d’Ethiopie à fuir leur village.

L'alternance de saisons sèches et de saisons des pluies a toujours rythmé la vie des éleveurs dans la Corne de l’Afrique. Mais depuis quatre saisons, l’eau n’est plus rendez-vous. La Somalie, le Kenya et l’Ethiopie connaissent leur pire sécheresse depuis des décennies, a indiqué en février 2022, le Programme alimentaire mondial (PAM), des Nations unies. Cette situation a ravagé les cultures et tué plus de trois millions de bêtes. Avec vingt millions de personnes qui devront faire face à un risque de famine grave, le PAM demande plus de 300 millions de dollars supplémentaires pour faire face à cette situation.

En Ethiopie, il n’a pratiquement pas plu une goutte d’eau en avril 2022, alors que ce mois est l'un des plus arrosés de l'année. Mais la sécheresse a aussi abîmé l'organisation sociale de ces communautés en entrainant une décomposition de la société. Les villages sont abandonnés, les familles se séparent et les enfants mêmes malades sont souvent négligés parce qu'il faut sauver les bêtes, indispensables à la survie.

12 photos d’Eduardo Soteras qui est allé à la rencontre de ces populations, illustrent ce propos d’après un reportage d’Aymeric Vincenot de l’AFP.

L’OCHA, le bureau des Affaires humanitaires de l'ONU estime que dans le sud et le sud-est de l’Ethiopie, entre 5,5 et 6,5 millions de personnes (soit entre 5 et 6% de la population) sont en grave insĂ©curitĂ© alimentaire en raison de la sĂ©cheresse. Une sècheresse qui a tuĂ© 1,5 million de tĂŞtes de bĂ©tail dont près des deux tiers en rĂ©gion Somali. Et les quelques troupeaux de vaches ou chèvres, restant sont très amaigris.     (EDUARDO SOTERAS / AFP)
A Hargududo, un village de la région situé à une cinquantaine de km de Gode, la grande ville de la zone administrative de Shabelle, les habitants montrent à l'AFP les cadavres desséchés de chèvres, vaches ou ânes. Une grande partie des bêtes des quelque 200 familles semi-nomades du village ont péri: "Ceux qui avaient disons 300 chèvres avant la sécheresse n'en ont plus que 50 à 60, chez certains (...) aucune n'a survécu", explique un villageois. (EDUARDO SOTERAS / AFP)
Si pour les  populations nomades ou semi-nomades, le bĂ©tail procure nourriture et revenus, il constitue aussi leurs Ă©conomies. "Nous Ă©tions de purs nomades avant cette sĂ©cheresse: on dĂ©pendait des animaux pour la viande, le lait et on les vendait", se souvient, une Ă©leveuse d'Hargududo."Mais de nos jours, la plupart d'entre nous" se sĂ©dentarisent, "il n'y a plus d'avenir dans le pastoralisme, parce qu'il n'y a plus de troupeaux", poursuit-elle amèrement, "notre vie nomade est terminĂ©e". (EDUARDO SOTERAS / AFP)
Tous les Ă©leveurs rencontrĂ©s dans la rĂ©gion disent avoir perdu entre 80% et 100% de leur cheptel. Pour se nourrir, certains rejoignent les camps oĂą se trouvent dĂ©jĂ  de nombreuses personnes  dĂ©placĂ©es par la sĂ©cheresse. Mais il y a peu d'hommes dans le camp car beaucoup sont restĂ©s avec les dernières tĂŞtes de bĂ©tail, Ă  la recherche d'un pâturage miraculeux ou partis en quĂŞte d'un labeur en ville. D'autres ont fui, incapables d'affronter la honte ou les questions des Ă©pouses inquiètes de l'avenir. (EDUARDO SOTERAS / AFP)
A Adlale, non loin de Gode, des dizaines de femmes viennent chercher l'aide alimentaire d'urgence distribuée par le PAM. "Nous avons marché cinq jours pour venir" ici, raconte l’une d’elles, mère de dix enfants, qui élevait vaches et chameaux. (EDUARDO SOTERAS / AFP)
Une autre femme, veuve et mère de sept enfants, qui a rejoint elle aussi Adlale en portant son fils de 15 ans, handicapĂ©, sur son dos explique: "J'avais 100 chèvres, elles sont toutes mortes (...) Je suis venue sans rien. J'avais trois ânes de bât, mais ils sont tous morts". Elle ajoute n'avoir "jamais vĂ©cu une telle sĂ©cheresse".   (EDUARDO SOTERAS / AFP)
"Avant la sécheresse", Halima Harbi, 40 ans, mère de neuf enfants, a fait "partie des familles vivant bien", "celles qui avaient assez" pour vivre correctement, dans une région où le luxe est inconnu. "Désormais nous n'avons plus rien (…) j'ai utilisé mon dernier âne pour transporter ma famille ici, mais il (...) est mort en chemin". "Avant les hommes avaient pour tâche de traire les vaches", de conduire les troupeaux aux pâturages, "d'acheter nourriture et biens pour la famille: ces rôles ont disparu avec notre bétail", explique-t-elle. Aujourd’hui, les familles explosent et la solidarité a cédé la place aux rivalités. "Quand les camions de distribution d'eau arrivent, les vieux et les plus vulnérables ne reçoivent rien car la concurrence est rude". (EDUARDO SOTERAS / AFP)
Dans sa minuscule hutte, Abdi Kabe Adan, un berger de 50 ans, pleure sans retenue: "Aucun de nos animaux n'a Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©". "Avant, de la pluie tombait ailleurs dans la rĂ©gion, alors nous bougions avec nos animaux vers les pâturages arrosĂ©s, mĂŞme si ça prenait plusieurs jours. Mais cette fois-ci la sĂ©cheresse est partout" et "les puits sont vides". "Je ne pense pas possible que notre mode de vie continue. J'ai vu des chèvres manger leurs excrĂ©ments, des dromadaires manger d'autres dromadaires. Je n'avais jamais vu ça de ma vie".   (EDUARDO SOTERAS / AFP)
Mais les enfants paient aussi le prix fort. Car submergĂ©s par les problèmes, les parents "n'ont mĂŞme plus le temps de s'occuper, de veiller sur leur progĂ©niture", explique un membre de l’ONG, Save The Children. "Normalement, une mère prend soin de ses enfants. On comprend la gravitĂ©, l'amplitude des problèmes, qui sont telles qu'elles lui font oublier d'emmener son enfant Ă  l'hĂ´pital (...) ou l'en empĂŞchent, parce qu'elle est accaparĂ©e par ses autres enfants ou occupĂ©e Ă  sauver son cheptel", dĂ©clare-t-il Ă  l’AFP.   (EDUARDO SOTERAS / AFP)
L'ONG effectue notamment des tournĂ©es dans les communautĂ©s, y repère les enfants en danger et les transporte vers les structures sanitaires, comme l'hĂ´pital de Gode. L'essentiel des enfants est traitĂ© en ambulatoire, grâce Ă  des pâtes nutritives Ă  base d'arachide, prĂŞtes Ă  manger. Ceux qui souffrent de complications - environ 15% - sont hospitalisĂ©s. "Les familles sont dĂ©sorganisĂ©es", parfois "le père est parti loin Ă  la recherche de nourriture" pour le bĂ©tail, "la mère se retrouve seule avec de nombreux enfants. Du coup (les enfants) arrivent tard" Ă  l'hĂ´pital "et avec des complications", ajoute un mĂ©decin de l'Ă©tablissement.   (EDUARDO SOTERAS / AFP)
Rokiya Adan Mahad, 39 ans, a amenĂ© son enfant Samiya qui avait la diarrhĂ©e et vomissait depuis une semaine. Mais "nous sommes pris par la recherche de pâturages et d'eau pour le bĂ©tail", explique une autre femme, qui est venue aussi avec son enfant Ă  l’hĂ´pital sans prĂ©venir son mari car "il ne m'aurait pas laissĂ©e, il y a tant Ă  faire" dit-elle.     (EDUARDO SOTERAS / AFP)
L'absence de contraception et d'espacement des naissances, d'allaitement exclusif, ainsi que des conditions d'hygiène mĂ©diocres expliquent la sous-alimentation chronique des enfants, dit un agent de santĂ© au centre de soins de Kelafo Ă  une centaine de km de Gode. Mais la situation a Ă©tĂ© largement "aggravĂ©e" par la sĂ©cheresse et "tous les mois, le nombre d'enfants mal-nourris augmente". Les parents sont confrontĂ©s Ă  des choix terribles: soigner son enfant, c'est prendre le risque de perdre son bĂ©tail.       (EDUARDO SOTERAS / AFP)
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