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Madagascar: la mangrove restaurée pour améliorer le quotidien des pêcheurs

Un programme de replantation de la mangrove à Madagascar, appuyé par l'organisation WWF pour la protection de la nature, a été mis en œuvre entre janvier et avril 2018. Objectif: restaurer la culture des palétuviers indispensable à la lutte contre le réchauffement climatique et à l'amélioration de la vie des pêcheurs sur l'île.
Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Un groupe de volontaires replante des douzaines de propagules de mangrove dans un champ près du village d'Amboanio, région de Melaky à Madagascar, le 24 avril 2018.  (Laure FILLON/AFP)

Campés sur la terre meuble, des villageois malgaches progressent à reculons et plantent d'un geste ferme une tige verte dans le sol. Ils participent à un programme de replantation de la mangrove, indispensable à leur économie et pour lutter contre le réchauffement climatique. 

La mangrove «protège contre la montée du niveau de la mer» 
La campagne de reboisement a duré deux jours à Amboanio, un hameau d'une cinquantaine d'habitants de la région de Melaky, dans l'ouest de l'île. Parmi les volontaires, Clément Joseph Rabenandrasana, 36 ans. La mangrove «protège contre le changement climatique et la montée du niveau de la mer», explique ce pêcheur de crabes.
 
C'est à quelques kilomètres de là, près du village de Beanjavilo, isolé entre mer et mangroves, qu'il relève en pirogue ses filets à crabes dans les canaux entre les palétuviers.
 
Sous l'impulsion du WWF, qui participe aussi à la restauration des mangroves, les pêcheurs sont incités à ramasser les crabes de plus de 10 centimètres, qui se vendront mieux, en épargnant les petits et les femelles avec des œufs.
 
Réunis en coopérative pour avoir plus de poids, ils les vendent ensuite à la société industrielle Copefrito à un prix négocié. Résultat: Clément Joseph Rabenandrasana a vu le prix de vente de ses crabes multiplié par quatre.
 
Le but de ce programme: préserver la mangrove en améliorant la vie des pêcheurs dont les revenus évoluent entre 50 et 80 euros par mois.
Clément Joseph Rabenabdreasana, 36 ans, attrape des crabes dans la mangrove près du village de Beanjavilo, à l'ouest de Madagascar, le 24 avril 2018. ( Laure FILLON/AFP)
 
La région compte environ 50.000 hectares de mangroves, sur 320.000 pour toute l'île, dont une partie est menacée. «On a pris conscience très tardivement de l'importance de cet écosystème», explique Eric Ramanitra du WWF.

Destruction du fragile équilibre entre eau douce et salée nécessaire aux palétuviers
Les villageois coupent des palétuviers pour construire leurs cases et les clôtures et pour cuisiner. «Avant je détruisais la mangrove pour avoir de l'argent», reconnaît Clément Joseph Rabenandrasana, qui revendait le bois pour la construction. Sensibilisé par l'ONG, il a arrêté cette activité.
 
«Aujourd'hui, il y a des zones dédiées, il faut l'accord de la communauté locale pour couper et respecter des tailles minimum», indique Eric Ramanitra.
 
Surtout, les mangroves sont menacées par l'élévation du niveau de la mer et l'ensablement venu de l'amont des rivières qui rompt le fragile équilibre entre eau douce et salée dont ont besoin les palétuviers pour s'épanouir.
 
Avec la mort des arbres, l'érosion ronge les rives, chargeant les rivières d'un limon rouge visible jusque dans la mer. «La mer ne cesse de monter de niveau. Elle emporte tout avec elle!», se désole M.Rabenandrasana.
 
Une mauvaise nouvelle, quand Madagascar fait partie des 15 pays les plus touchés par des événements climatiques extrêmes entre 1997 et 2016, selon l'ONG Germanwatch.
 
Les mangroves jouent un rôle de protection indispensable. Elles peuvent atténuer la force des vagues en cas de cyclone, protégeant les villages, et sont de formidables puits à carbone. Elles servent aussi de nurseries aux poissons, aux crabes et aux crevettes –l'«or rose» de Madagascar – et abritent des animaux endémiques comme le pygargue de Madagascar, un rapace.
 
Transférer la gestion des ressources aux communautés locales
La population ne mesure pas toujours leur importance. Des migrants, venus de l'arrière pays pour assurer leur survie, connaissent encore moins ce milieu. «Je ne savais pas que les poissons pondent leurs œufs dans la mangrove», confie Samuel Razafimamonjy, 59 ans, ancien vendeur de tissus venu de Fianarantsoa, dans l'intérieur des terres, la peau tannée après dix ans dans la région à pêcher en mer en pirogue.
 
Lors des opérations de repiquage menées de janvier à avril par des volontaires, seules deux espèces de palétuviers ont été replantées sur les huit présentes sur l'île.
 
«Il peut y avoir une tendance à la monoculture», critique Jacques Iltis, géographe à l'Institut de recherche pour le développement. Mais la restauration active reste pour lui la meilleure méthode pour obtenir «l'adhésion des communautés».
 
Dans un pays secoué par les crises politiques et rongé par la corruption, l'objectif est de transférer la gestion des ressources aux communautés locales.

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