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Reportage Gabon : "Que la France nous laisse tranquilles !", réclament des habitants de Libreville après le coup d'Etat

Depuis le putsch qui a renversé le clan Bongo, la population semble majoritairement derrière le nouveau président de "transition", qui a prêté serment hier. Les envoyés spéciaux de franceinfo ont également pu constater la montée en puissance d'un sentiment patriotique très fort.
Article rédigé par Valérie Crova, Gilles Gallinaro
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Plusieurs milliers de Gabonais ont assisté à l'investiture de Brice Oligui Nguema, sur l'esplanade de la mosquée Hassan II de Libreville. (GILLES GALLINARO / RADIOFRANCE)

Une "libération nationale" : c'est ainsi que le nouvel homme fort du Gabon a décrit le coup d'État qui l'a porté au pouvoir, il y a bientôt une semaine. "Quand le peuple est écrasé par ses dirigeants, c'est l'armée qui lui rend sa liberté", a ainsi lancé le général Brice Oligui Nguema, prêtant serment comme président d'une "transition" qui a renversé Ali Bongo. S'il n'a pas fixé la durée de cette période, il promet de "rendre le pouvoir aux civils" par des "élections crédibles". 

>> Gabon : qui est le général Brice Oligui Nguema, le chef de la Garde républicaine, désormais "président de transition" du pays ?

Dans le pays, les langues, elles aussi, se libèrent à l'évocation de l'ancienne puissance coloniale, qui est pourtant restée discrète depuis qu'Ali Bongo a été évincé. "Le système post-colonial, qui avait été mis en place par de Gaulle, n'était pas un système favorable. Donc, il va falloir que nous essayions, en tant qu'Africains, de finir de développer notre continent à l'instar des autres continents", dénonce un homme.

"Nous voulons essayer d'avancer sans les conseils de la France"

"Nous avons fait 60 ans avec la France, nous n'avons pas eu de développement. Nous voulons essayer d'avancer sans la France. Nous voulons essayer d'avancer sans les conseils de la France. En ce monde, nous ne voulons plus de la France. Que la France recule, que la France nous laisse tranquilles !", lance un autre habitant de Libreville, croisé parmi des milliers d'autres sur l'esplanade de la mosquée Hassan II. 

Un avis que partage ce quinquagénaire au chômage qui dit s'appeler "Gabon", ce qui fait rire son entourage. Pour lui, il est temps que la France prenne ses distances : "Macron doit mettre ça dans sa tête : la France ne doit pas intervenir sur les affaires du Gabon ou de l'Afrique. Ce que vous avez fait au Mali, ne le faites pas au Gabon. Ce que vous faites en Côte d'Ivoire, ne le faites pas au Gabon. Ce que vous avez fait au Niger, vous ne le faites pas au Gabon. Et vous nous enlevez l'armée française qui réside encore au Gabon !", exige-t-il. 

400 soldats français sont actuellement stationnés au Gabon, un contingent modeste qui diminue d'année en année. La présence militaire, mais aussi économique de la France, est aujourd'hui dénoncée : plus de 80 entreprises hexagonales sont présentes sur le sol gabonais, dont TotalEnergies et Eramet, qui extrait du manganèse. "Vous payez à des prix dérisoires... Voleurs, vous êtes des voleurs !", lance, provocateur, "Gabon". Et ce sont ainsi les relations tumultueuses de la France avec son ancien empire qui refont surface à la faveur du putsch. 

Reportage à Libreville de Valérie Crova et Gilles Gallinaro

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