: Reportage "Nous n'avons rien" : au Gabon, une partie de la population est dans une extrême pauvreté malgré la richesse générée par le pétrole
Deux imposantes défenses d'éléphant symbolisent la porte d'entrée de ce qui devait être le Centre international des civilisations bantoues (Ciciba) à Libreville, la capitale du Gabon, qui vient de connaître un coup d'Etat qui a renversé le clan Bongo. Dans les années 1990, sous Omar Bongo, le Gabon a investi 14 millions de dollars pour la construction du Ciciba. Ce palais de la culture africaine est aujourd'hui à l'abandon. 500 familles y vivent dans des conditions déplorables. "Nous squattons ici, explique Prince qui a deux enfants à charge. La première a 12 ans, et le plus petit a 7 ans. J'ai même stoppé parce qu'il n'y a pas assez de moyens. 'Stopper' ça veut dire arrêter de faire des enfants. C'est moi qui les fais vivre."
Depuis le coup d'Etat, la population semble majoritairement derrière le nouveau président de "transition" qui a prêté serment lundi 4 septembre. Dans son discours d’investiture, le nouvel homme fort du Gabon, le général Brice Clotaire Oligui Nguema, s'est engagé à redresser l'économie, et à redistribuer des richesses aux plus pauvres. Le Gabon fait partie des pays les plus riches d’Afrique de par son économie fondée sur la rente pétrolière. Pourtant, un tiers des deux millions de Gabonais vit en dessous du seuil de pauvreté comme ces familles qui ont trouvé refuge dans le Ciciba.
"On veut l'eau courante !"
C'est jour de distribution d'eau au Ciciba, un camion-citerne vient deux fois par semaine, au mieux. "On peut même faire deux semaines où on n’a pas l'eau", explique Fanny qui vit seule avec ses neuf enfants. "C'était même dix, j'ai perdu un garçon, raconte-t-elle. Dans ce bâtiment, nous n'avons rien, Beaucoup de personnes n'ont pas le courant et sont dans le noir. On veut l'eau courante. Et les toilettes, on fait comment ? Il n'y a pas de toilettes."
Valentine, 66 ans, est retraitée de l'enseignement et vit maintenant dans "la précarité". Elle a déménagé dans ce bâtiment, car elle ne pouvait plus s'acquitter d'un loyer chaque mois. "On vit mal", explique-t-elle. Les pensions de retraite ne sont plus payées en totalité ou avec beaucoup de retard. "Les bras et les enfants sont déjà musclés", décrit-elle, car ses petits-enfants vont remplir les bidons d'eau qui serviront à la vaisselle et à la toilette. "Quand les enfants partent comme ça, je ne suis pas sûr qu'ils vont ramener quelque chose dans les bidons. Le plus fort gagne", raconte la retraitée en riant.
Valentine a retrouvé le sourire depuis une semaine. "Depuis que j'ai entendu le discours du président. C'est là où j'ai repris mon sourire. Je n'avais plus l'espoir de vivre. Il m'arrivait des fois vraiment de dire : à quoi bon vivre ? Mieux vaut mourir parce que c'est trop." Le nouveau président de la transition a dit vouloir ouvrir un compte séquestre où l'argent saisi chez les proches d'Ali Bongo sera déposé. Il y en aurait pour 10 millions d'euros. Des fonds qu'il veut utiliser pour sortir les Gabonais de la pauvreté.
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