Kenya : ce que l'on sait d'Abdirahim Abdullahi, l'un des assaillants de Garissa
Cinq jours après le massacre qui a fait 148 morts à l'université de Garissa, au Kenya, on en sait un peu plus sur l'un des assaillants, dont l'identité a été révélée dimanche 5 avril par le ministère kenyan de l'Intérieur.
Abdirahim Abdullahi était "un étudiant brillant", selon ses camarades. Il était diplômé de l'université de Nairobi, la plus prestigieuse école de droit du pays. Il a été tué le 2 avril au cours de l'assaut mené par les militaires pour mettre fin au massacre sur le campus de l'université de Garissa. Pour l'instant, Abdirahim Abdullahi est le seul des quatre shebabs identifié par les autorités kenyanes, qui ont diffusé l'information dimanche 5 avril. Au fil des jours, on en apprend un peu plus sur le profil inattendu du terroriste.
Qui était-il ?
Abdirahim Abdullahi était kenyan, d'ethnie somali. Il avait 24 ans. Décrit comme "un futur brillant juriste", il était deuxième de sa classe à l'université de Nairobi où il a étudié le droit pendant quatre ans. Gérald Kiti, un camarade interrogé par RFI, se souvient très bien de lui : "C'est un gars posé. Un étudiant normal, quoi ! Il se promenait toujours en costard, des costumes trop bien. Il était facile d'accès, très arrangeant." Il garde le souvenir d'"un mec cool", qui l'avait aidé à trouver son slogan alors qu'il se lançait en campagne pour représenter les étudiants. On le surnommait Ababmo. Il aimait sortir, jouer au billard avec ses amis, selon le site d'information kenyan Daily Nation (en anglais).
D'où venait-il ?
L'assaillant était originaire de la région de Mandera, située à l'extrême nord-est du Kenya, à la frontière de la Somalie. Selon plusieurs témoins, les shebabs ont affirmé qu'ils passaient à l'acte "parce que Uhuru [Kenyatta, le président kenyan] persist[ait] à rester en Somalie".
A l'université de Nairobi, on connaissait en particulier Abdirahim Abdullahi en raison de son père influent, responsable local d'une circonscription de Mandera et, à ce titre, représentant du gouvernement. L'annonce de l'identité de l'assaillant a laissé place à la stupéfaction alors que, comme le rappelle The Guardian (en anglais), au Kenya, "les chefs locaux sont les responsables désignés par les autorités nationales pour résoudre les conflits au niveau local, et en particulier pour identifier les criminels".
Interrogé brièvement par le quotidien britannique alors qu'il venait d'apprendre la nouvelle de l'implication de son fils, le responsable local a déclaré, accablé : "S'il est confirmé qu'il était l'un d'entre eux, alors il mérite la mort la plus douloureuse. Ce qu'ils ont fait à ces étudiants innocents est tellement inhumain."
Etait-il repéré comme activiste islamiste ?
A l'université, on ne connaissait pas vraiment Abdirahim Abdullahi pour ses pratiques religieuses. Il n'avait rien à voir avec un terroriste, selon Ahmed, un autre étudiant du campus, interrogé par RFI. "Faire la fête comme ça, quand on est musulman, on ne devrait pas le faire. Mais lui était détendu avec ça, il faisait toutes sortes de choses comme ça. Donc, de tous les étudiants, c'est le dernier que j'imaginais faire ça."
En classe, il n'hésitait pas non plus à partager son point de vue pendant les débats. Son discours était rationnel. "Il entrera certainement dans l'histoire comme le meurtrier de masse au visage le plus innocent", résume le Daily Nation.
Slain Alshabab militant Abdirahim Mohamed in his Nairobi days #AfterTheSiege #AbdirahimAbdullahi #KOT #GarissaAttack pic.twitter.com/QGSIbdABJz
— Yassin Juma (@Yassinjuma) 5 Avril 2015
Comment s'est-il radicalisé ?
Le jeune diplômé avait disparu depuis 2013. Son père en avait informé les autorités alors qu'il soupçonnait son fils d'avoir rejoint la Somalie. "Il était en train d'aider la police à retrouver la trace de son fils au moment où a éclaté l'attaque terroriste de Garissa", a annoncé le porte-parole du ministère de l'Intérieur. Selon les propos du blogueur et journaliste indépendant Yassin Juma, rapportés par le Daily Nation, Abdirahim Abdullahi avait l'intention de se rendre en Syrie pour combattre aux côtés de l'organisation Etat islamique, mais en avait été empêché faute de passeport.
"Je pense qu'il n'a dû rejoindre les shebabs qu'après l'université. Ou peut-être juste avant de partir, mais c'était vraiment imperceptible, estime Gérald Kiti, son ancien camarade interrogé par RFI. La dernière fois que je l'ai vu, c'était en 2013. Je m'en souviens bien. (...) Le fait même que quelqu'un comme lui puisse devenir un terroriste est incompréhensible."
Samedi soir, dans sa première allocution depuis la fin du siège, le président Uhuru Kenyatta a estimé que "contrer le terrorisme [était] devenu particulièrement difficile, car ceux qui le planifient et le financent sont profondément implantés dans nos communautés et sont considérés comme des gens ordinaires et inoffensifs".
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