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La cyberviolence, une nouvelle menace pour les femmes
A l'instar de la vie réelle, les femmes sont vulnérables sur la Toile. Au Kenya ou ailleurs, les cas de cyberviolence se multiplient alors que le système juridico-légal reste encore incapable de protéger et d'aider les victimes.
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Avec le développement des nouvelles technologies, les femmes et les jeunes filles sont soumises à de nouvelles formes de violence. Au Kenya, 21e pays le plus connecté au monde avec plus de 26 millions d'internautes, la cyberviolence prend de plus en plus d'ampleur, selon les organisatons de la société civile. La Kenya ICT Action Network (KICTANet) travaille à répertorier les cas de cyberviolence dans le pays depuis 2010. L'agence Acord, spécialisée dans les questions relatives au développement, s'attaque au problème en menant des campagnes de sensibilisation.
La cyberviolence est un «terme désignant la violence qui s’exprime à travers les outils numériques, notamment via internet, les téléphones portables et les jeux vidéo», peut-on lire sur le site du centre Hubertine Auclert. «La cyberviolence peut prendre de multiples formes, qu’il s’agisse de violences ponctuelles (insultes, humiliation, intimidation) ou de violences répétées relevant du harcèlement».
Dans une enquête, réalisée en partenariat avec l'Association pour le progrès des communications (APC) au Kenya entre 2013 et 2014, l'organisation a recueilli le témoignage de Kinca, une jeune journaliste qui s'est lancée dans la course présidentielle en 2012. Rapidement, elle est harcelée via les médias sociaux vers qui elle s'est tournée pour rentrer en contact avec les électeurs. Elle en fera bientôt une dépression. La victime ne se tournera pas vers la police, notamment parce qu'elle se croit responsable de la situation. Kinca estime par ailleurs que les agressions subies, parce qu'elles ne sont pas physiques, sont difficiles à signaler aux autorités compétentes.
Une police et une justice démunies
D'autant qu'elles ne sont pas outillées pour la défendre. «L'unité dédiée à la cybercriminalité au sein de la police kényane n'existe que sur le papier», explique le rapport de l'APC. Mais en plus, la loi ne lui donne pas les moyens d'agir. Notamment parce qu'«il n'y a aucune mention du cyberharcèlement dans la loi kényane sur les nouvelles technologies».
Le Kenya, qui tente de changer la donne, n'est pas une exception en la matière. «La Grèce, les Pays-Bas et la Suède ont des lois, souvent contestées, sur le cyberharcèlement. La France et l'Angleterre ont implanté des dispositions législatives pour punir le porno de vengeance ("revenge porn"). Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a adopté le Cyber Safety Act, une autre loi contestée sur le porno de vengeance comme en Californie», soulignait Léa Clermont-Dion, doctorante en science politique à l’Université Laval spécialisée dans la cyberviolence, dans un article publié dans les colonnes journal canadien La Presse.
«Quand le recours à la loi n'est pas une option et que l'agresseur est anonyme, ou connu, tenter de se faire justice à travers les médias sociaux, comme Twitter, YouTube et Facebook, est toujours envisageable, mais bien souvent très peu efficace. Facebook ne reconnaît d'ailleurs pas la violence sexospécifique et ne censure pas les discours haineux envers les femmes».
En attendant, les réseaux sociaux permettent de relayer des messages. Pour tenter de lutter contre la cyberviolence au Kenya, un mot-dièse #MakeItSafe a été lancé à l'occassion de la journée internationale de la femme, célébrée le 8 mars, pour attirer l'attention de tous les acteurs sur la nécessité de faire de la Toile un lieu où les femmes se sentent en sécurité.
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