William Ruto, le "débrouillard en chef" à la tête du Kenya
Le nouveau président kényan a prêté serment le 13 septembre 2022.
Une main posée sur la Constitution, l'autre tenant une bible, William Ruto a prêté serment le 13 septembre 2022 au stade Kasarani de Nairobi, la capitale kényane, devant 60 000 personnes dont une vingtaine de chefs d'Etat et de gouvernement africains.
Le nouveau président kényan, âgé de 55 ans, a promis de "travailler avec tous les Kényans", lors de son investiture, au terme d'une élection serrée serrée, controversée mais pacifique qui a "démontré la maturité" de la démocratie dans ce pays d'Afrique de l'Est. "Je travaillerai avec tous les Kényans, peu importe pour qui ils ont voté", a-t-il déclaré dans son premier discours en tant que président, louant "un moment capital" pour le pays.
"Un garçon de village" à State House
Le nouvel hôte de State House (le palais présidentiel), qui est issu d'une famille modeste de la vallée du Rift (ouest), a remercié Dieu qu'"un garçon de village (soit) devenu président du Kenya". Une prouesse qui est le résultat d'une méticuleuse stratégie. "Il est considéré comme un des stratèges les plus efficaces de la politique kényane", note Nic Cheeseman, professeur à l'université de Birmingham (Royaume-Uni).
Celui qui était l'un des hommes les plus craints du pays a emporté la présidentielle après avoir travaillé à polir sa réputation sulfureuse qui mêlait accusations de violences, de corruption, d'appropriation de terres et de détournement de fonds qu'il n'a cessé de démentir. William Ruto a ainsi choisi de se proclamer "hustler in chief" ("débrouillard en chef"), leader de la "hustler nation" ("nation des débrouillards") formée de millions de travailleurs pauvres qui tentent de survivre dans un pays en proie aux difficultés économiques. En se positionnant comme le porte-parole des "débrouillards" du petit peuple, face au pouvoir des dynasties, il a misé sur un clivage social plus qu'ethnique qui a notamment trouvé un écho chez les jeunes.
L'ancien vice-président kalenji (la troisième ethnie du Kenya) et son prédécesseur Uhuru Kenyatta, Kikuyu (le premier groupe ethnique du pays), s'étaient alliés en 2012 pour conquérir le pouvoir après avoir été des ennemis. Ils étaient tous deux poursuivis pour crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale (CPI) pour leur rôle dans les violences post-électorales de 2007-2008, les pires depuis l'indépendance (plus de 1 100 morts et 600 000 déplacés). Les deux hommes étaient alors dans des camps opposés : Ruto soutenait alors Raila Odinga, l'opposant historique qu'il a affronté lors de la présidentielle. La CPI avait décrit William Ruto comme le principal planificateur des violences contre la communauté kikuyu dans son fief kalenjin de la vallée du Rift, avant d'abandonner toutes les poursuites en 2016.
Après les affaires, la politique
Diplômé en sciences, le nouveau président kényan a été professeur avant de se lancer en politique dans les années 1990 au sein des jeunesses du parti de l'autocrate Daniel arap Moi. Il aime à rappeler qu'il n'a eu sa première paire de chaussures qu'à l'âge de 15 ans et qu'il vendait des poulets en bord de route. Il a fini à la tête d'une grande entreprise de volailles, un des piliers de sa fortune qui comprendrait également des hôtels, des milliers d'hectares de terres... L'étendue de ses actifs a fait l'objet en septembre 2021 d'une vive controverse entre le ministère de l'Intérieur et l'ancien vice-président qui a accusé le pouvoir de vouloir le discréditer.
Pendant sa campagne, William Ruto a promis aides et emplois aux Kényans. Dans son discours d'investiture, il est revenu sur ses grandes mesures économiques, comme la création d'un "fonds des débrouillards" d'un montant de 50 milliards de shillings kényans (environ 410 millions d'euros) permettant d'accorder des prêts aux petites entreprises. Il a promis de diviser par deux le prix des engrais "d'ici la semaine prochaine". Pour le centre de réflexion International Crisis Group (ICG), le nouveau président devra répondre aux "énormes attentes" de la population. Et, prévient-il, "gouverner sera plus compliqué que faire campagne".
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