Loïk Le Floch-Prigent inculpé au Togo : que se passe-t-il ?
L'ancien patron du géant pétrolier français Elf a été inculpé de complicité d'escroquerie par un juge au Togo et extradé de Cote d'Ivoire.
JUSTICE - L'ex-patron du géant pétrolier français Elf a été mis en examen mardi 18 septembre. Loïk Le Floch-Prigent est accusé de complicité d'escroquerie par un juge au Togo. Retour sur cette affaire des plus intriguantes.
Une "escroquerie à la nigériane"
Le nom de Loïk Le Floch-Prigent est au centre d'un conflit qui oppose un homme d'affaires togolais, Bertin Sow Agba, à un homme d'affaires émirati, Abbas El Youssef. L'Emirati a porté plainte contre le Togolais. Il l'accuse de lui avoir soutiré 48 millions de dollars (environ 36,5 millions d'euros).
L'Emirati aurait été victime de ce que l'on appelle une "escroquerie à la nigériane", dont le principe est expliqué par Le Point. Le Togolais se serait présenté comme l'envoyé d'un ayant-droit du défunt président ivoirien Robert Gueï. Ce dernier aurait laissé à sa mort une fortune estimée à 275 millions de dollars, bloquée sur un compte en banque au Togo. Le prétendu ayant-droit aurait alors demandé l'aide financière de l'Emirati afin de débloquer le magot, lui faisant miroiter un alléchant pourcentage. L'Emirati serait tombé dans le piège, avançant une somme qu'il n'aurait jamais revue.
Loïk Le Floch-Prigent aurait été le conseiller personnel d'Abbas El Youssef, l'homme d'affaires togolais. A ce titre, il serait le chef d'orchestre de cette escroquerie, selon le businessman émirati cité par une source judiciaire togolaise.
La théorie de l'affaire d'Etat
Loïk Le Floch-Prigent se trouvait depuis plusieurs jours à Abidjan, la capitale économique de la Côte d'Ivoire, lorsqu'il a été arrêté vendredi 14 septembre. L'ancien patron d'Elf participait à des séances de dédicace de son dernier livre, un roman policier. Il a été arrêté vendredi soir, au moment de monter dans un avion Air France pour Paris, et a été extradé dès samedi vers le Togo.
Son avocat français, Me Patrick Klugman, a dénoncé le non-respect des règles d'extradition. Un magistrat ivoirien a confirmé qu'il ne s'agissait pas d'une procédure classique, mais d'une "procédure de police à police, suivant la convention d'Interpol". L'organisation policière internationale a toutefois affirmé lundi qu'une telle convention n'existait pas, évoquant la possibilité d'un "échange bilatéral".
"On n'a jamais vu une 'extradition' aussi rapide, sans passer par la case judiciaire", déclare le spécialiste de l'Afrique, Antoine Glaser, interrogé par l'AFP. "C'est le signe qu'elle s'est réglée au plus haut niveau de l'Etat entre le président du Togo et le président ivoirien". Pour le spécialiste, il s'agit même d'une "affaire d'Etat" : "L'escroquerie à la nigériane, c'est un habillage, un écran de fumée dissimulant un règlement de comptes entre deux hommes d'affaires et un règlement de comptes politique", ajoute-t-il.
L'arrestation de Loïk Le Floch-Prigent intervient en effet peu de temps après celle d'un ex-ministre togolais, Pascal Bodjona, inculpé le 12 septembre, lui-même cité dans la même affaire d'escroquerie internationale portant sur près de 36,5 millions d'euros.
L'ombre de l'affaire Elf
Dans les années 1980, Loïk Le Floch-Prigent a été à la tête des plus grandes entreprises françaises, notamment le géant pétrolier Elf entre 1989 et 1993. Il a été condamné en 2003 à cinq ans de prison dans l'affaire Elf, que résume Challenges, et a passé environ deux ans derrière les barreaux pour des malversations financières. Il se présente aujourd'hui comme un consultant dans le pétrole.
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