Cet article date de plus de neuf ans.
L'histoire humaine n'est faite que de migrations au départ de l'Afrique
Les migrations humaines n’ont jamais cessé au cours de l’Histoire. L’Homo sapiens, le dernier stade de l’évolution des singes humanoïdes, est apparemment venu d’Afrique il y a environ 100.000 ans. Le début d’un très long voyage, comme l’ont raconté les intervenants au colloque Archéologie des migrations organisé à Paris par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).
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«Les migrations sont une caractéristique essentielle de l’humanité. L’humain n’existe que grâce aux migrations, que ce soit à travers des déplacements, des expansions, des fuites», a rappelé le président de l’Inrap, Dominique Garcia, au début du colloque le 12 novembre 2015. Et de fait, il y a quelque 100.000 ans, l’homme moderne n’a eu de cesse de quitter l’Afrique dont il était originaire.
Mais n’allons pas trop vite en besogne. Au commencement, a raconté Pascal Picq, maître de recherches au collège de France, c'est-à-dire il y a quelque 30 millions d’années, il y avait des «singes hominoïdes», qui comptaient alors une centaine d’espèces contre moins d’une dizaine aujourd’hui. Il y a environ 19 millions d’années, on assiste à une expansion des forêts entre l’Atlantique et ce qui correspond au territoire de la Chine d’aujourd’hui. Une expansion qui permet aux grands singes de se développer. Mais vers 6 millions d’années, la surface forestière diminue. Et la population de primates humanoïdes avec elle.
Out of Africa
Ces derniers résistent toutefois en Afrique. Où leur évolution se poursuit. «L’origine africaine de l’humain est très bien établie», a expliqué Pascal Picq en prenant l’exemple du Tchadien Toumaï. On va alors assister au début du processus qui va (petit à petit) conduire à la Préhistoire. Le premier homme, Homo erectus, apparaît il y a 2-3 millions d’années.
«C’est un individu de grande taille, un bipède très performant et un prédateur. Il s’adapte très bien à toutes sortes de situations», constate l’universitaire. Et d’ajouter : «C’est le premier grand singe à se débarrasser du monde des arbres et de toutes les contraintes écologiques.» Bref, peu à peu, il va être prêt à migrer. «On retrouve ainsi ses traces en Indonésie, sur les îles de Java et de Florès», a rapporté Peter Bellwood, professeur à l’Université nationale d’Australie. C’est ce que certains paléoanthropologues anglo-saxons appellent «Out of Africa 1», la première sortie d’Afrique.
La seconde, on en a déjà parlé en début d’article : elle a lieu vers 100.000. Cette sortie-là est sans doute la plus importante car c’est celle de l’homme moderne, notre ancêtre direct. Et c’est le début d’une «expansion fulgurante», a observé Pascal Picq. Profitant peut-être de la dernière glaciation, cet ancêtre a commencé à peupler l’Eurasie en passant par le Proche-Orient. En chemin, il s’est mélangé avec l’homme de Néanderthal qui, avant lui, avait peuplé l’Europe jusqu’à la Sibérie et avait évolué différemment. «Il y a eu un métissage que l’on constate dans les génomes. Ce qui permet de dire que nous sommes tous des Africains et des métis», a rapporté Eva-Maria Geigl, généticienne au CNRS.
La rencontre a apparemment eu lieu vers 50.000. «Néanderthal avait une entité biologique différente», a observé Jean-Jacques Hublin, directeur du département Evolution humaine de l’institut allemand Max Planck. Mais l’on retrouve aujourd’hui certains éléments de son ADN chez l’homme moderne «grâce à des séquençages effectués à partir du génome d’hommes fossiles de très grande qualité», a-t-il précisé. Pour autant, l’hybridation reste très faible : on trouve environ, 2% de traces de Néanderthal chez son successeur.
Néanderthal a fini par disparaître progressivement, mais sûrement. Sans qu’on sache pourquoi. Différentes hypothèses sont avancées : problème climatique, éruption volcanique, compétition entre les deux espèces, conjonction de ces différents facteurs? Bref, les scientifiques ont encore du pain sur la planche.
L’homme moderne, éternel migrant
Mais revenons à l’homme moderne. Avec la disparition progressive de Néanderthal, «il trouve l’opportunité de s’installer sur des territoires nouveaux», raconte Jean-Jacques Hublin. Ces territoires nouveaux, c’est en fait… le monde entier ! Il va ainsi migrer loin, très loin, pendant des dizaines de milliers d’années. A elles seules, «les migrations austronésiennes ont porté sur la moitié du globe terrestre», a observé Peter Bellwood.
On retrouve ainsi partout des traces de l’Homo sapiens. Aussi bien aux îles Bismarck (sud-ouest du Pacifique) qu’au Mexique… A noter qu’en Amérique du Sud, on trouve des traces d’ADN austro-mélanésien. Ce qui semble infirmer les thèses nord-américaines selon lesquelles les premiers hommes arrivés en Amérique sont passés par le détroit de Béring, donc le nord du continent…
Mais ces migrations sont loin d’être les dernières. «Vers 16.000-18.000 apparaissent les premiers agriculteurs, dont l’activité va permettre, sur plusieurs milliers d’années, une expansion considérable de la population humaine», a raconté Peter Bellwood. Survient ainsi ce que l’on a appelé la révolution néolithique, qui voit se diffuser les techniques agricoles à partir de nouvelles migrations.
Pour l’Europe, plusieurs hypothèses sont avancées, a rappelé Colin Renfrew, professeur à l’université de Cambridge. Selon une première hypothèse, les migrants, des éleveurs, seraient partis d’Anatolie (l’actuelle Turquie) amenant avec eux le cheval et la roue il y a 9500 ans. Selon une autre théorie, des agriculteurs auraient pu venir un peu plus tard des steppes d’Asie centrale. Dans les deux cas, ces nouveaux arrivants se seraient mélangés ou auraient remplacé les chasseurs-cueilleurs arrivés avant eux… Certains chercheurs pensent que la peste aurait pu vider ces territoires de leurs occupants, facilitant l’implantation des nouveaux venus.
Plus tard, cette expansion néolithique, aussi importante soit-elle, a été suivie de beaucoup d’autres, comme l’a rappelé Jean-Paul Demoule, professeur à Paris I. Rien qu’en Europe, il y eu, au début de notre ère, la colonisation romaine, les «invasions barbares» (expression très controversée aujourd’hui), les Vikings… Et en passant de nombreux siècles, les mouvements massifs de population de la Révolution industrielle. Bref, l’histoire humaine n’est qu’une longue série de migrations !
Mais n’allons pas trop vite en besogne. Au commencement, a raconté Pascal Picq, maître de recherches au collège de France, c'est-à-dire il y a quelque 30 millions d’années, il y avait des «singes hominoïdes», qui comptaient alors une centaine d’espèces contre moins d’une dizaine aujourd’hui. Il y a environ 19 millions d’années, on assiste à une expansion des forêts entre l’Atlantique et ce qui correspond au territoire de la Chine d’aujourd’hui. Une expansion qui permet aux grands singes de se développer. Mais vers 6 millions d’années, la surface forestière diminue. Et la population de primates humanoïdes avec elle.
Out of Africa
Ces derniers résistent toutefois en Afrique. Où leur évolution se poursuit. «L’origine africaine de l’humain est très bien établie», a expliqué Pascal Picq en prenant l’exemple du Tchadien Toumaï. On va alors assister au début du processus qui va (petit à petit) conduire à la Préhistoire. Le premier homme, Homo erectus, apparaît il y a 2-3 millions d’années.
«C’est un individu de grande taille, un bipède très performant et un prédateur. Il s’adapte très bien à toutes sortes de situations», constate l’universitaire. Et d’ajouter : «C’est le premier grand singe à se débarrasser du monde des arbres et de toutes les contraintes écologiques.» Bref, peu à peu, il va être prêt à migrer. «On retrouve ainsi ses traces en Indonésie, sur les îles de Java et de Florès», a rapporté Peter Bellwood, professeur à l’Université nationale d’Australie. C’est ce que certains paléoanthropologues anglo-saxons appellent «Out of Africa 1», la première sortie d’Afrique.
La seconde, on en a déjà parlé en début d’article : elle a lieu vers 100.000. Cette sortie-là est sans doute la plus importante car c’est celle de l’homme moderne, notre ancêtre direct. Et c’est le début d’une «expansion fulgurante», a observé Pascal Picq. Profitant peut-être de la dernière glaciation, cet ancêtre a commencé à peupler l’Eurasie en passant par le Proche-Orient. En chemin, il s’est mélangé avec l’homme de Néanderthal qui, avant lui, avait peuplé l’Europe jusqu’à la Sibérie et avait évolué différemment. «Il y a eu un métissage que l’on constate dans les génomes. Ce qui permet de dire que nous sommes tous des Africains et des métis», a rapporté Eva-Maria Geigl, généticienne au CNRS.
La rencontre a apparemment eu lieu vers 50.000. «Néanderthal avait une entité biologique différente», a observé Jean-Jacques Hublin, directeur du département Evolution humaine de l’institut allemand Max Planck. Mais l’on retrouve aujourd’hui certains éléments de son ADN chez l’homme moderne «grâce à des séquençages effectués à partir du génome d’hommes fossiles de très grande qualité», a-t-il précisé. Pour autant, l’hybridation reste très faible : on trouve environ, 2% de traces de Néanderthal chez son successeur.
Néanderthal a fini par disparaître progressivement, mais sûrement. Sans qu’on sache pourquoi. Différentes hypothèses sont avancées : problème climatique, éruption volcanique, compétition entre les deux espèces, conjonction de ces différents facteurs? Bref, les scientifiques ont encore du pain sur la planche.
L’homme moderne, éternel migrant
Mais revenons à l’homme moderne. Avec la disparition progressive de Néanderthal, «il trouve l’opportunité de s’installer sur des territoires nouveaux», raconte Jean-Jacques Hublin. Ces territoires nouveaux, c’est en fait… le monde entier ! Il va ainsi migrer loin, très loin, pendant des dizaines de milliers d’années. A elles seules, «les migrations austronésiennes ont porté sur la moitié du globe terrestre», a observé Peter Bellwood.
On retrouve ainsi partout des traces de l’Homo sapiens. Aussi bien aux îles Bismarck (sud-ouest du Pacifique) qu’au Mexique… A noter qu’en Amérique du Sud, on trouve des traces d’ADN austro-mélanésien. Ce qui semble infirmer les thèses nord-américaines selon lesquelles les premiers hommes arrivés en Amérique sont passés par le détroit de Béring, donc le nord du continent…
Mais ces migrations sont loin d’être les dernières. «Vers 16.000-18.000 apparaissent les premiers agriculteurs, dont l’activité va permettre, sur plusieurs milliers d’années, une expansion considérable de la population humaine», a raconté Peter Bellwood. Survient ainsi ce que l’on a appelé la révolution néolithique, qui voit se diffuser les techniques agricoles à partir de nouvelles migrations.
Pour l’Europe, plusieurs hypothèses sont avancées, a rappelé Colin Renfrew, professeur à l’université de Cambridge. Selon une première hypothèse, les migrants, des éleveurs, seraient partis d’Anatolie (l’actuelle Turquie) amenant avec eux le cheval et la roue il y a 9500 ans. Selon une autre théorie, des agriculteurs auraient pu venir un peu plus tard des steppes d’Asie centrale. Dans les deux cas, ces nouveaux arrivants se seraient mélangés ou auraient remplacé les chasseurs-cueilleurs arrivés avant eux… Certains chercheurs pensent que la peste aurait pu vider ces territoires de leurs occupants, facilitant l’implantation des nouveaux venus.
Plus tard, cette expansion néolithique, aussi importante soit-elle, a été suivie de beaucoup d’autres, comme l’a rappelé Jean-Paul Demoule, professeur à Paris I. Rien qu’en Europe, il y eu, au début de notre ère, la colonisation romaine, les «invasions barbares» (expression très controversée aujourd’hui), les Vikings… Et en passant de nombreux siècles, les mouvements massifs de population de la Révolution industrielle. Bref, l’histoire humaine n’est qu’une longue série de migrations !
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