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Le président rwandais en visite à Paris pour "échapper à l'Histoire"

Le président du Rwanda est en visite officielle en France pour la première fois depuis le génocide qui a fait plus de 800.000 morts en 1994. Il répond à celle de Nicolas Sarkozy à Kigali en février 2010. Cette visite n'a cependant pas lieu dans une ambiance apaisée. Le Rwanda maintient ses accusations contre la France et l'armée française. Certains sont opposés au rapprochement, à commencer par le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, qui sera absent.
Article rédigé par franceinfo
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Rien n'est simple entre la France et Rwanda. Trop de soupçons, trop de manipulations, trop de secrets. Les 800.000 morts du génocide de 1994 hantent les relations entre les deux pays. La visite officielle à Paris de Paul Kagamé, le président rwandais, n'est donc pas un chemin pavé de fleurs. C'est la première fois depuis le génocide qu'un président rwandais met les pieds à Paris. L'an dernier, en février 2010, c'était le président français, Nicolas Sarkozy, qui tentait un premier pas en se rendant à Kigali.

Rien n'est simple car le contentieux n'est pas réglé. La plaie est toujours ouverte. Le Rwanda continue en effet d'accuser la France, son gouvernement et tout particulièrement son armée d'avoir joué un rôle criminel dans le génocide, en armant, en formant et en protégeant les génocidaires. Plus grave encore, Kigali accuse des soldats français d'avoir directement pris part aux tueries.

Une “insulte” pour les militaires, et pour certains politiques, certains universitaires ou journalistes. Preuve de cette tension persistante, le ministre français des Affaires étrangères ne sera pas présent durant la visite. Alain Juppé, qui occupait ce même poste en 1994, a trouvé d'autres activités pour remplir son agenda.

Pourtant, l'an dernier, Nicolas sarkozy a reconnu une “forme d'aveuglement” de la France, qui n'a pas su, selon ses paroles “vu la dimension génocidaire” du régime rwandais hutu d'alors. Paul Kagamé, qui a eu des mots très durs pour la France, assure aujourd'hui qu'il est “heureux d'être venu ici, en France”. Lors d'un discours hier, à la diaspora rwandaise, il a expliqué : “Nous travaillons ensemble pour voir comment échapper à l'Histoire, pour avancer”. Evoquant ceux qui ne voulaient pas de cette visite, il qualifie leur attitude de “politique du mal” : “les gens qui la pratiquent sont méprisables. Et ce qui est méprisable nous fait perdre du temps”, dit-il.
_ Mais son propre régime est soupçonné de violations des droits de l'Homme et des opposants rwandais entendent manifester contre sa présence.

A côté de cette volonté de réconciliation, Paris et Kigali ont un intérêt commun à se rapprocher. Isolée dans la région des grands lacs, la France cherche a regagner de l'influence grâce au petit Rwanda, qui reste un acteur régional clé. Kigali de son côté, est à la recherche de soutiens internationaux depuis que l'allié traditionnel américain se fait plus distant. Un intérêt mutuel bien compris qui pourrait servir de ciment à une réconciliation plus que fragile.

Grégoire Lecalot, avec agences

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