Cet article date de plus de quatre ans.

La Libye, un nouveau terrain de chasse pour des milliers de mercenaires

Ce sont des combattants en mal d'actions et de pillages, prêts à tout pour se faire une place au soleil. La Libye est devenue depuis quelques années leur terrain de chasse préféré.

Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des experts dépêchés par l'armée turque en Libye entraînent les forces du gouvernement de Tripoli à neutraliser les mines antipersonnel disséminées dans le sud de la capitale, Tripoli, le 18 juillet 2020.  (MÜCAHIT AYDEMIR / ANADOLU AGENCY)

Pour attirer leurs "chiens de guerre", les protagonistes du conflit libyen ne lésinent pas sur les moyens. En janvier 2020, le quotidien britannique The Guardian révélait que la Turquie offrait un salaire moyen de 2 000 dollars, en plus de la nationalité et d'une prise en charge médicale aux 2 000 combattants syriens recrutés pour aller faire la guerre en Libye. Selon notre confrère, les mercenaires syriens transitaient par des centres de formation dans le sud de la Turquie avant de rejoindre la Libye. Une fois sur le terrain, ils se retrouvent en face d'autres aventuriers, eux-mêmes syriens, à la solde des combattants russes présents en force sur le terrain. Selon les spécialistes de la Libye, quelque 1 400 mercenaires russes appartenant au groupe Wagner seraient déployés aux côtés des forces du Maréchal Haftar.

Le pays s'est installé dans le chaos

Aujourd'hui, le pays s'est installé dans un chaos indescriptible. Les frères ennemis libyens s'entredéchirent par puissances étrangères interposées. Ces belligérants étrangers se gardent bien d'engager directement leurs troupes sur le terrain. Mais ils n'hésitent pas à faire appel aux mercenaires pour faire le job aux côtés de leurs protégés. Avec l'espoir de gagner le gros lot à l'issue du conflit.

Selon les spécialistes de ce pays, les mercenaires russes, à la solde du groupe privé Wagner, ont pris une longueur d'avance. Ils auraient totalement piégé la ville stratégique de Syrte dont le contrôle assure l'accès à la manne pétrolière libyenne. Le camp du maréchal Khalifa Haftar qui s'y est installé redoute une éventuelle attaque des forces du gouvernement d'entente nationale de Tripoli qui est reconnu par la communauté internationale. 

Les mercenaires russes ont pris les devants en installant des systèmes de défense anti-aérienne, sans doute financés par les Emirats arabes unis. Ils ont planté des centaines de mines antipersonnels, en violation de toutes les conventions humanitaires

Jalel Harchaoui, chercheur et spécialiste de la Libye

à RFI

Le chercheur Jalel Harchaoui explique que la ville de Syrte est devenue un piège extrêmement sanguinaire dans le cas où les forces du gouvernement de Tripoli poursuivraient leur avancée vers l'est du pays. Des centaines de personnes pourraient y perdre la vie, si une bataille était déclenchée, redoute-t-il. A plusieurs reprises, Moscou a démenti tout rôle dans la présence de mercenaires russes en Libye. Alors que Washington affirme que la Russie aurait récemment déployé des avions de chasse militaires dans ce pays afin de soutenir un groupe de militaires privés parrainés par Moscou qui opèrent sur le terrain.

La Turquie a mis tout son poids dans la balance

Si le Maréchal Haftar, qui contrôle l'Est, peut compter sur les mercenaires russes et leurs alliés syriens, ses frères ennemis installés à Tripoli ont reçu, de leur côté, un soutien de taille. La Turquie a mis tout son poids dans la balance. L'intervention de ses techniciens militaires dans l'encadrement de certaines troupes combattantes libyennes et la maîtrise du contrôle de l'espace aérien auraient été décisives pour infliger plusieurs défaites successives aux forces du Maréchal Haftar aux portes de la ville de Tripoli. Des opérations militaires turques menées par voie aérienne, en coordination avec de nombreux mercenaires syriens pro-turcs déployés au sol.

A la différence des soldats turcs, ces mercenaires sont présents au sol. Ce sont des combattants fanatiques. Il y a des scènes d'horreur

Didier Billion, chercheur en Relations internationales

sur le site de l'IRIS

Pour le chercheur Didier Billion, directeur-adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS), "le fait que l'Etat turc, doté d'une Constitution et qui se présente comme un Etat de droit, se permette d'envoyer des mercenaires travaillant pour son compte sur place, est quelque chose de très grave".

Des mercenaires somaliens entrent en jeu

Inquiétantes aussi les informations qui circulent en ce moment sur l'arrivée en Libye de nombreux mercenaires somaliens. Ces combattants seraient pris en charge par la Turquie et le Qatar pour opérer aux côtés des forces du gouvernement de Fayez el-Sarraj installé à Tripoli. Selon RFI, qui se réfère à plusieurs observateurs, des centaines de Somaliens entraînés dans les bases militaires turques au Qatar et en Somalie seraient utilisés comme forces supplétives de l'armée turque dans plusieurs zones de tension en Afrique.

Des hommes seraient actuellement à Tripoli, prêts à être déployés sur les lignes de front près de Syrte

Observateurs cités par RFI

Pour le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, " la syrianisation de la Libye est réelle et pas uniquement symbolique". A l'issue d'un entretien début juillet avec Fayez al-Sarraj, chef du Gouvernement d'union nationale libyen, il a appelé à un cessez-le-feu et à "l'arrêt des ingérences étrangères" dans ce pays.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.