Libye : Tripoli remplace le patron de la puissante Compagnie nationale du pétrole, au cœur de rivalités politiques
Richard Norland, l'ambassadeur des Etats-Unis à Tripoli, s'est dit "profondément préoccupé" par cette décision qui touche un secteur vital dans un pays en proie au chaos.
La bataille autour des revenus du pétrole et du gaz s'envenime en Libye où deux gouvernements se disputent le pouvoir, l'un basé à Tripoli et dirigé par Abdelhamid Dbeibah et l'autre conduit par Fathi Bachagha, soutenu par le maréchal Khalifa Haftar, l'homme fort de l'Est. Le gouvernement, basé à Tripoli, a annoncé le 13 juillet 2022 la nomination d'un nouveau patron à la tête de la Compagnie nationale de Pétrole (NOC), l'entreprise publique chargée du secteur énergétique, principale source de devises du pays.
Remous à la tête de la NOC
Farhat Bengdara, ancien gouverneur de la Banque centrale libyenne, a pris ses fonctions, le lendemain de l'annonce, sans passation de pouvoir avec Mustapha Sanalla en poste depuis 2014. Ce dernier a d'abord affirmé qu'il ne céderait pas son portefeuille. "Cette institution appartient à tous les Libyens, et non à toi", a-t-il lancé dans une intervention vidéo en s'adressant au chef du gouvernement de Tripoli, Abdelhamid Dbeibah. C'était sans compter l'intervention d'un groupe armé, qui a encerclé le siège de la NOC, le 14 juillet 2022. M. Sanalla s'était imposé comme un interlocuteur de choix des grandes compagnies internationales du secteur. L'ambassadeur des Etats-Unis à Tripoli, Richard Norland, s'est dit "profondément préoccupé" par ce changement à la tête de l'entreprise.
"Nous suivons avec une profonde inquiétude les développements entourant la Compagnie nationale de Pétrole, qui est vitale pour la stabilité et la prospérité de la Libye "
Richard Norland, Ambassadeur des Etats-Unis à TripoliAFP
Le pays est plongé dans le chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, minée par les divisions entre l'Est et l'Ouest du pays. Le camp Haftar bloque depuis mi-avril six champs et terminaux pétroliers clefs comme moyen de pression pour déloger l'exécutif de Tripoli.
Le pétrole, otage de la crise politique
La production pétrolière, principale source de revenus de la Libye, est l'otage de cette crise politique. Alors que la production mondiale de pétrole et de gaz est fortement perturbée par le conflit en Ukraine. Le pétrole libyen manque cruellement sur le marché, ce qui préoccupe un grand nombre de pays.
Pour Hamish Kinnear, de l'institut d'analyse Verisk Maplecroft, ce remplacement à la tête de la NOC "plonge le secteur pétrolier (...) dans un chaos supplémentaire". Malgré des réserves de pétrole très importantes, les Libyens subissent des coupures d'électricité incessantes. Les infrastructures sont déficientes, l'économie est à terre et les services défaillants.
Le secteur névralgique de l'énergie qui, du temps de Kadhafi, permettait de financer un Etat providence, a pâti de la guerre : pétrole dilapidé, infrastructures endommagées ou non entretenues. En juillet 2021, d'importantes manifestations se sont déroulées à travers le pays "contre le chaos politique et la dégradation des conditions de vies".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.