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Madagascar : le "Colisée" controversé inauguré à Antananarivo

L'amphithéâtre se veut l'écrin de la culture malgache pour le président Andry Rajoelina. Mais il essuie les critiques pour son anachronisme dans un lieu chargé d'histoire.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le "Colisée" lors de sa construction le 22 mai 2020 à Antananarivo, la capitale de Madagascar. (RIJASOLO / AFP)

La vie culturelle de Madagascar vient d'être marquée par deux événements notables. D'une part, la restitution par la France du dais royal de Ranavalona III, symbole de la souveraineté avant la colonisation. Il y a eu également l'inauguration d'un bâtiment qui a provoqué une vive polémique. Un amphithéâtre, façon Colisée romain, planté face à l'ancien palais royal et joyau d'Antanarivo, le Rova de Manjakamiadana. Le président Andry Rajoelina en a décidé la construction et, malgré les critiques, a mené le projet à son terme.

Un symbole en ruine

Le Rova de Manjakamiadana est le symbole de la monarchie Merina, l'ultime royauté du pays. Construit au XIXe siècle, d'abord en bois, puis en granit, le palais perd sa fonction politique avec l'arrivée des colons français en 1896 et l'abolition de la Monarchie. Le 6 novembre 1995, un incendie ravage le site, fragilisant l'édifice jusqu'à ses fondations en bois. Faute de moyens financiers, puis freinée par le contexte politique, sa restauration lancée en 2006 est chaotique.

En 2019, le président Andry Rajoelina relance le chantier, attribué à l'entreprise française Colas, annonçant son inauguration pour juin 2020, date du 60e anniversaire de l'indépendance. Mais aux travaux de restauration, le président ajoute une nouvelle construction.

Vue extérieure de l'arène en construction à Antananarivo. (RIJASOLO / AFP)

Un amphithéâtre romain en béton, d'une capacité de 400 places, construit à l'intérieur de l'enceinte du palais. Selon Rajoelina, il accueillera des représentations qui raconteront l'histoire de la Grande île.

"Génocide culturel"

Mais beaucoup y voient surtout un sacrilège. Car le nouveau bâtiment recouvre désormais l'ancienne piscine sacrée du roi Andrianampoinimerina, dont il ne reste plus que quelques pierres déplacées.

Plus de 12 000 personnes à ce jour ont signé une pétition réclamant la destruction du bâtiment considéré comme "un génocide culturel".
"Il est urgent que cesse le mépris flagrant et institutionnalisé de notre culture profonde au profit de bâtiments globalisés, pauvres et appauvrissant", écrivent les pétitionnaires.

Béton contre granit

Surtout, la construction pour le moins anachronique fait face au palais royal, le Rova, imposant bâtiment carré aux quatre tours d'angle. Béton contre granit, Rome au cœur du patrimoine Angalsy, la fronde gronde. D'autant que le site est en cours d'instruction pour figurer au patrimoine mondial de l'Unesco. Et beaucoup s'interrogent sur la suite que pourrait donner l'instance à cette candidature.

Enfin, c'est aussi la gouvernance du président Andry Rajoelina qui est mise en cause. "La dimension de bâtisseur est essentielle à la parole politique d’Andry Rajoelina", expliquait au journal Le Monde Juvence Ramasy, enseignant en sciences politiques à l’Université de Tamatave. Quitte à le faire à marche forcée, lors d'une procédure où la concertation semble de plus en plus absente, selon ses détracteurs.

Enfin, ultime critique, la construction si décriée a coûté près d'un million et demi d'euros. Ce qui, dans ce pays parmi les plus pauvres de la planète, n'est pas une broutille.

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