Pour la population rurale de Madagascar, l'île aux orages, la foudre relève de la sorcellerie

Comme partout dans le monde, la foudre tue à Madagascar. Parfois, elle prend des formes qui rajoutent au drame. Ainsi, en décembre 2016, elle frappe une école dans le centre de l’île. Sept élèves de 12 à 13 ans sont tués. Le coup de foudre a fait perdre connaissance à 18 élèves. En tout, 21 personnes ont été conduites à l’hôpital. Le maire de cette commune rurale a évoqué une météo pourtant clémente, selon le site internet LINFO : un ciel très clair et un temps ensoleillé. Des conditions qui ne correspondent absolument pas à un temps d’orage, et qui font dire à la population locale "qu’il s’agit d’un acte de sorcellerie ou de science occulte".

Car dans les zones reculées de l’île, les croyances veulent que ces cas de foudroiement humain ne soient pas naturels. On parle de zavatra nataon’olona. Bref, l’acte de quelqu’un qui sait manier la foudre. Un acte de vengeance ou d’élimination d’un adversaire. Pour s’en protéger, selon la tradition, il faut avoir chez soi une carapace de tortue et des œufs pourris !

L’Express de Madagascar relate le dernier accident mortel qui a tué six membres d’une même famille, dont un enfant de trois ans, le 26 janvier 2019. Les circonstances sont floues. L'AFP parle d'un travail aux champs, la presse locale d'une réunion de famille pour une cérémonie. L’Express précise que ce n’est pas la première fois que la commune d’Alatsinainy Bakaro est frappée par un tel drame. Des foudroiements mortels "sont signalés presque tous les deux ans. Très souvent, des zébus sont foudroyés dans les champs".

Des orages quotidiens sur Madagascar

Madagascar est l’île aux orages. Tous les ans, d’octobre à avril (l’été austral), les orages sont quotidiens ! Jacques Ecormier, de Météo France à La Réunion, nous donnait le chiffre de 2000 impacts en une demi-heure le 30 janvier 2019 au nord de Madagascar. La géographie de l’île explique ce phénomène. La chaleur et l’altitude favorisent la formation d’orages qui se produisent à la mi-journée, d’une violence comparable aux orages continentaux. Des orages qui, en atteignant la mer, se régénèrent et durent toute la nuit. 

Les hommes et le bétail payent un lourd tribut à ce phénomène, et malheureusement, la population prend ces orages comme une fatalité. Avant même de parler de sorcellerie, ce sont d'abord les règles élémentaires de sécurité qui ne sont pas respectées. Comme, par exemple, de ne plus travailler dans les champs avec l'angady, une bêche traditionnelle au manche ferré, particulièrement conducteur.

Orage, un phénomène complexe

Il n’y a pas d’orage, et donc de foudre, sans un fameux nuage. Le cumulonimbus est le nuage caractéristique des phénomènes orageux. Géant, large de 5 à 15 km, il peut atteindre 15 km de haut. A l’intérieur de ce nuage règne un véritable capharnaüm. Chaque seconde, le cumulonimbus peut aspirer 4 000 tonnes d’eau…

L’air, chauffé par le soleil, grimpe en altitude, le courant d’air vertical peut atteindre 130 km/h, les particules d’eau ou de glace s’entrechoquent provocant l’électrisation du nuage. Particules positives et négatives se séparent et génèrent les éclairs : dans le nuage, entre nuages, ou avec le sol. Les deux premiers ont beau être les plus nombreux, c’est de la rareté que survient le danger lorsque l’éclair se fait avec le sol.

La foudre est un phénomène fréquent dont on a tendance à minimiser les effets. En France, en 2017, Météorage a répertorié 333 500 éclairs nuage-sol. Selon Michel Koutmatzoff, président de l'association Protection foudre cité par Science et Avenir, "chaque année 100 à 150 personnes sont foudroyées en France, ce qui occasionne 10 à 20 décès".