Le coronavirus ferait chuter les cours du tabac au Malawi
Les producteurs de tabac, exclus des enchères pour cause d'épidémie, se disent victimes des acheteurs.
Les temps sont durs pour la filière du tabac au Malawi, second producteur d'Afrique. Il y a eu, en novembre 2019, le gel des importations aux Etats-Unis pour lutter contre le travail des enfants. Aujourd'hui, c'est le coronavirus qui joue les trouble-fête en imposant de nouvelles règles lors des transactions. Des règles qui manquent de transparence, accusent les producteurs. Des ventes aux enchères où la présence des vendeurs est interdite. C'est la nouvelle règle imposée par les autorités du Malawi pour éviter la propagation du virus. "Quand les enchères débutent, la présence des vendeurs n’est plus autorisée. De sorte qu’on ne sait pas combien le tabac est coté et on ne peut pas négocier les prix avec l’acheteur", explique un gros producteur à l'AFP.
En effet, AHL, le plus important acteur du marché, précise bien qu'en temps normal le vendeur peut refuser la vente si son lot est acheté à un prix qu'il juge trop bas. Or désormais, coronavirus oblige, il n'y a plus de témoins et plus de contrepoids dans les salles de marché.
Chute des cours
"C'est un problème de confiance", ajoute Betty Chinyamunyamu, à la tête de l'association des petits producteurs. Car tous constatent une chute vertigineuse de leurs revenus de plus de 50%. "J'avais envoyé 1 116 kilos de feuilles dont j’espérais tirer 1,1 million de kwachas (1 500 dollars, NDLR) au prix du marché, raconte un producteur à l'AFP. Je n’en ai tiré que 400 000 kwachas (600 dollars)."
Il n'y a eu aucun profit indu du côté des acheteurs, affirment les responsables des marchés. AHL assure même que le chiffre d'affaires est quasiment identique à l'an dernier, mais ne parle pas du volume vendu. Or justement, les producteurs mettent en avant une excellente campagne et une production en hausse. A leurs yeux, il y a donc bien une chute des cours.
Conjoncture défavorable
Mais l'épidémie et ses conséquences n’expliquent pas tout. Le marché du tabac dans le pays subit sans doute aussi les conséquences des campagnes contre le travail des enfants. Au Malawi, selon l'OIT, 38% d'entre eux travaillent, soit deux millions d'enfants âgés de 5 à 17 ans. Dans un pays essentiellement rural, où la moitié de la population n'a pas 18 ans, le travail précoce est une nécessité. Ils seraient 80 000 dans les plantations de tabac.
En novembre 2019, les Etats-Unis ont gelé les importations de tabac du Malawi pour tenter de faire pression. Cela a coûté 29 millions de dollars de recettes au Malawi, soit un peu plus de 10% de sa production. Une chute qui se ressent aujourd'hui lors des récoltes. Et l'impact en termes d'image est sans doute tout aussi défavorable.
Un choix discutable
Le problème est peut-être aussi plus structurel que conjoncturel. Car dans un marché mondial du tabac qui se rétracte au fur et à mesure des campagnes sanitaires, le Malawi a nagé à contre-courant, incitant à sa culture. En 1995, les autorités ont libéralisé la culture du tabac, afin d'améliorer les revenus du monde agricole et de toute la filière. Le nombre de planteurs a ainsi été multiplié par sept, passant de 10 000 à 70 000 en dix ans !
Les récoltes ont suivi, passant de 100 000 tonnes en 1990, à 200 000 en 2018. Désormais, le pays est en passe de doubler le Zimbabwe, leader africain. Or, le secteur tabacole est le premier employeur du pays et il contribue au quart de ses recettes fiscales. Aujourd'hui, le Malawi est tout aussi dépendant du tabac qu'un fumeur peut l'être.
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