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Guerre au Mali : jusqu'où ira la France ?

Les troupes hexagonales manquent encore de soutien dans leur intervention. Et pour entamer la reconquête du nord du pays, une autorité légitime à Bamako est nécessaire. 

Article rédigé par Gaël Cogné
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Un soldat français à côté d'un Mirage sur une base à Bamako, le 16 janvier 2013. (ERIC FEFERBERG / AFP)

Rafale et Mirage ne vont plus tarder à disparaître du ciel du désert malien. Après une semaine d'intervention au Mali, les avions français commencent à manquer de cibles à viser. Les jihadistes ont enfoui du carburant et des armes dans différentes caches. Ils se sont dispersés sur le territoire et certains se dissimulent parmi la population. Au sol, pendant que l'attention était captée par la prise d'otages en Algérie, l'armée malienne, appuyée par les troupes françaises, a repris sa progression. Il lui a fallu une semaine pour reprendre la localité de Konna (centre) face aux groupes islamistes.

Et maintenant ?

Quelque 1 800 militaires français sont dorénavant engagés dans les opérations au Mali. A terme, l'effectif doit être porté à 2 500 soldats. Leur mission ? Dans un premier temps, il s'agissait de défendre la ville de Mopti face à une offensive des groupes islamistes armés. Mais l'opération vise aussi à permettre au Mali de retrouver son intégrité territoriale. En clair, Paris ne va pas se contenter de stopper l'avancée des islamistes, mais va aussi tenter de reconquérir le nord du Mali.

Quel sera alors le degré d'implication des troupes françaises ? François Hollande et plusieurs ministres ont répété à plusieurs reprises que la France souhaitait intervenir en appui de troupes maliennes et africaines. Selon le plan proposé par la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'ouest (Cédéao) et adopté par le Conseil de sécurité des Nations unies, ce sont elles qui doivent intervenir au nord du Mali.

Peu de soutiens internationaux

Voilà pour la théorie. Dans la réalité, les troupes maliennes, qui devaient être formées par des instructeurs européens, sont dans un grand état de délabrement. Quand des soldats maliens ont décroché de Diabali, toujours tenue par les islamistes, et se retrouvés à Niono, plus au Sud, "ils ne sont pas arrivés en guerriers, ils sont arrivés en fugitifs", se souvient le préfet de Niono dans Le Monde. Une vidéo extraite de l'émission de France 5 "C dans l'air" attire depuis dimanche les railleries sur les réseaux sociaux. 

Quant à la force africaine, elle devait initialement compter 3 300 hommes. "Certes, la crise actuelle les a remotivés : attendons de voir quelles moyens exacts ils déploieront et quand", relève le journaliste spécialisé Jean-Dominique Merchet sur son blog. Il a fallu attendre six jours pour que les 40 premiers togolais se déploient au Mali. Finalement, c'est le Tchad, avec la promesse de 2 000 hommes, rompus à la guerre dans le désert et contre des rebellions, qui apportera l'aide la plus précieuse dans un premier temps.

Car si la prise d'otages en Algérie pourrait entraîner la réaction de plusieurs pays, à commencer par l'Algérie et les Etats-Unis, pour le moment, les soutiens restent d'ordre logistique, ou dans le domaine du renseignement.

La France a-t-elle la légitimité pour intervenir au nord?

Dans ces conditions, les troupes françaises vont-elles monter jusqu'à Kidal, à la frontière algérienne, pour déloger les islamistes ? "Ce serait un jugement hâtif que de conclure à une libération entière de l'action stratégique française à la suite des événements de Konna. Que cette action sortirait des contraintes juridiques", répond le professeur en science politique Frédéric Ramel, dans une tribune dans Le Monde. La France ne pourra donc pas agir totalement comme elle l'entend. "L'opération s'inscrit à l'intérieur d'un dispositif élaboré par les Nations unies", visant à accélérer le déploiement de la force africaine, complète le chercheur.

Dans une autre tribune, le professeur de géopolitique Michel Galy se montre plus sévère : "L'intervention (...) n'a pas un habillage juridique convaincant, ni du côté de l'ONU, ni du côté malien : un pays qui n'a pas d'accord de défense et ne peut être représenté par un président intérimaire sans grande légitimité !" Il ajoute qu'une "intervention française massive" aurait pour conséquence de faire de la France "une cible privilégiée de jihadistes de toutes obédiences" et déclencherait du même coup "une extension d'une nouvelle 'guerre nomade' au Sahel".

Soutenir la transition dans le sud du pays

Mais l'objectif de la France n'est peut-être pas de mener la guerre au Nord-Mali. Avant de reprendre cette région, il faut qu'une autorité légitime soit installée à Bamako pour qu'elle puisse exercer sa souveraineté. Or, en déployant une force militaire dans la capitale, la France neutralise le capitaine putschiste Amadou Haya Sanogo. C'est lui qui a renversé le président Amadou Toumani Touré à quelques semaines de l'élection présidentielle, le 22 mars 2012. Ce sont certains de ses partisans qui ont presque battu à mort, en mai, le président malien de transition, Dioncounda Traoré, chargé de conduire le pays à de nouvelles élections. Plus récemment, le capitaine putschiste a poussé manu militari le Premier ministre à démissionner, perturbant à nouveau le processus de transition.

Ainsi, la présence de plusieurs centaines de soldats français peut dissuader Amadou Haya Sanogo d'utiliser à nouveau la force et protège le président. Le spécialiste Gregory Mann remarque, dans une analyse détaillée (en anglais), que la dynamique politique a déjà changé à Bamako. Sanogo, qui s'opposait à l'intervention étrangère, de même que les altermondialistes d'ailleurs, a été forcé d'accueillir favorablement l'intervention française, alors que l'armée malienne s'apprêtait à s'écrouler à nouveau. 

Toutefois, "il est important de rappeler que la situation politique à Bamako demeure instable", notamment car "l'intérim présidentiel de Dioncounda Traoré a largement dépassé sa date de péremption", remarque Gregory Mann. Juste avant l'intervention, des manifestations violentes contre le président par intérim avaient d'ailleurs conduit à la fermeture des écoles.

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