L'option militaire au Mali verra-t-elle le jour ?
La résolution 2071, préparée par la France, a donné 45 jours aux acteurs régionaux pour soumettre une proposition d’opération crédible au secrétaire général de l’ONU. Une option militaire impliquerait la participation des pays occidentaux pour la logistique et les renseignements. Précédée d’efforts diplomatiques dans l’espoir de permettre la résolution pacifique du conflit, l’opération militaire nécessite l’obtention d’un deuxième mandat des Nations-Unies.
Les groupes affiliés à al-Qaïda et les rebelles touaregs ont conquis le nord-Mali au lendemain d’un coup d’Etat militaire, le 22 mars 2012, avant qu’un premier ministre de transition, non-élu, Dioncounda Traoré, ne reprenne les rênes du pouvoir.
L’instauration de la loi islamique, la charia, dans les territoires conquis, synonyme d’exactions envers la population et les femmes, a permis de souder la communauté internationale sur ce thème. Celle-ci «se tiendra aux côtés des Maliens dans l’effort» de reconquête, a affirmé le président français, François Hollande, à Dakar, le 12 octobre 2012.
Le sort des six otages français, détenus par Aqmi, la branche maghrébine d’al-Qaïda, complique le soutien français à la force d’intervention africaine sous la bannière de la Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Hollande a d’ailleurs parlé des «deux devoirs» de Paris : «Libérer nos otages et libérer le Mali des terroristes». En dissociant les deux questions, le président français fait preuve d’une grande fermeté. «Une fermeté cruciale» pour stopper la machine infernale des prises d’otages, indique le député socialiste, François Loncle.
Réunis à Bruxelles le 9 octobre 2012, les chefs d’Etats et de gouvernements européens avaient déjà affirmé «la menace immédiate pour l’Europe» des groupes armées qui tiennent le nord du pays.
Début de révolte contre les islamistes à Gao
TV5monde, le 20 août 2012
La communauté internationale compte ses forces
Dans les faits, les approches exprimées par nombre de pays divergent. Le président guinéen Alpha Condé a indiqué : «Nous n’avons pas d’autres solutions que l’usage de la force». L’Allemagne, elle, s’est dite prête à participer, sous contrôle de l’ONU, à une mission d’entraînement de l’armée malienne.
Les Etats-Unis, dont l’ambassade à Benghazi, en Libye, a subi une attaque fomentée par un groupe lié à al-Qaïda, estiment qu’il faut une «réponse militaire» à la «question du terrorisme dans le nord ».
La position de l’Algérie, voisine du Mali au nord, est capitale. Cible récente de Mujao (un groupe proche d’al-Qaïda) qui a attaqué deux casernes dans le sud du pays au printemps et enlevé sept diplomates algériens à Gao (Mali), elle est inquiète en raison de l’importance de la population touareg présente sur son territoire. Souhaitant l’éradication du terrorisme et des narcotrafiquants, elle n’apporterait, pour l’heure, qu’un soutien en matière de renseignement.
La rencontre à Alger, début décembre prochain, du président français François Hollande avec son homologue Abdelaziz Bouteflika s’avère, à cet effet, décisive. Il essaiera de convaincre son interlocuteur algérien d’apporter plus qu’un soutien bienveillant à l’opération.
Le Burkina-Faso tient, lui, un langage d’apaisement. Le président Blaise Compaoré a affirmé : «La guerre n’est pas nécessairement utile.» Nommé médiateur de la CEDEAO, il a reçu à Ouagadougou, le Mouvement de Libération de l’Azawad, la rébellion touareg du nord du Mali évincée par les islamistes, et Ansar Dine, un groupe intégriste, explorant la voie des négociations. Ouagadougou promet dans le même temps de fournir un contingent à la CEDEAO. Un double langage ?
Planification balbutiante
Pour l’heure, un grand flou existe quant à la stratégie existante pour mener à bien l’opération. La première tâche revient à la CEDEAO qui doit faire part de ses besoins à l’ONU. Laquelle a promis de lui envoyer des experts.
De son côté, l’armée malienne, qui doit constituer le noyau de la force internationale, est démoralisée et mal équipée. Les pays occidentaux vont devoir y remédier en faisant un effort de formation accélérée. Depuis plusieurs années, ce sont eux qui encadrent les états-majors africains dans des programmes d’aide au maintien de la paix.
Si elle voit le jour, la force africaine sera opposée aux commandos islamistes regroupant en tout 4.000 à 6.000 hommes qui possédent des lance-missiles, des lance-roquettes et se déplacent en 4x4.
Les préparatifs militaires ont commencé
Paris vient de fournir trois avions ultra-légers au Burkina-Faso, afin de surveiller la frontière avec le Mali, ainsi que des véhicules et du matériel de transmission.
Selon un expert français, des membres des Forces spéciales françaises, déjà sur le terrain depuis deux ans pour rechercher les otages, auraient pour mission de guider les troupes africaines sur un territoire plus étendu que l'Hexagone. Ces forces disposent d' hélicoptères et d’importants moyens de surveillance. Les Etats-Unis, qui fourniront les moyens de renseignements, pourraient également utiliser des drônes armés capables de procéder à des frappes ciblées.
L'action militaire pourrait commencer par des bombardements des positions islamistes.
Reste à savoir quand intervenir.
L’ONU a prévu que l’opération serait menée avant le début du printemps et l’arrivée des pluies. Pour le ministre français de la Défense, Yves Le Drian, interrogé mi-octobre sur la question, l'intervention aurait lieu dans «quelques semaines». Quelques jours plus tard, il a affirmé que ce délai correspondait en fait au temps nécessaire «à la mise en place de la coordination» à l’état-major de la CEDEAO, à Abuja, au Nigéria...
Des tergiversations qui expliquent que nombre de diplomates sont sceptiques, en l'état actuel des choses, sur la réalisation de l’opération militaire. Ces derniers privilégient donc les négociations pour obtenir le retrait des islamistes armés.
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