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Mali: l'homme de radio Ras Bath prêt à en découdre avec IBK

La cour constitutionnelle a validé, le 20 août 2018, la victoire à l'élection présidentielle d'Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) qui a obtenu 67,16% des voix. Au moins un millier de manifestants avaient contesté ce résultat le 18 août à Bamako, galvanisés par Ras Rath, un frondeur qui s'oppose à la «machine à fraude» électorale et à l'armée malienne «incapable», selon lui, de vaincre les djihadistes.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Ras Bath, de son vrai nom Mohamed Youssouf Bathily, prononce un discours à Bamako, le 18 août 2018, devant un millier de manifestants. (Michele CATTANI / AFP)

Bonnet rasta, lunettes de soleil et barbe bien taillée: Ras Bath galvanise la contestation au Mali. Surnommé «le guide» par ses fans, ce fils d'un ancien ministre du président sortant et fraîchement réélu, Ibrahim Boubacar Keïta, alias IBK, se pose en opposant numéro un à ce dernier.

Ses longues joutes en bambara mâtiné de français, retransmises à la radio et sur le web, ravissent ceux qui, comme lui, entendent dénoncer la «machine à fraude» électorale, l'armée malienne «incapable de vaincre les djihadistes» ou encore le «coup d'Etat institutionnel» avec le vote, en 2012, d'une nouvelle Constitution renforçant les pouvoirs présidentiels. La notoriété de Ras Bath se vérifie aussi sur sa page Facebook qui compte quelque 220.000 abonnés.

A 44 ans, l'animateur de radio nie pourtant toute ambition politique et se décrit «tout simplement» comme «un leader d'opinion qui a pour mission de renforcer les capacités citoyennes»

Soutien de l'opposant Soumaïla Cissé
Pendant la campagne présidentielle, Ras Bath, Mohamed Youssouf Bathily de son vrai nom, a soutenu un ex-ministre des Finances, Soumaïla Cissé. Mais ce dernier n'a pas pu rassembler et convaincre l'ensemble des forces d'opposition de voter pour lui au deuxième tour du scrutin du 12 août 2018, totalisant seulement 32,83% des voix face à IBK.  

«L'opposition n'est pas une opposition idéologique, n'est pas une opposition politique, n'est pas une opposition systémique. C'est une opposition d'hommes, une opposition d'intérêts personnels, et c'est dommage», a confié Ras Bath à l'AFP. Renouveau FM, radio à laquelle il collabore régulièrement, a été interdite d'émettre entre les deux tours de la présidentielle, c'est donc sur une autre radio libre que le tribun quadragénaire s'est exprimé.


L'animateur se décrit comme «le fruit du vide (...) créé par les politiciens car ils ont déçu, ils ont déserté. La population était laissée à elle seule, elle avait besoin de quelqu'un qui pouvait canaliser ses problèmes».

Condamné puis acquitté pour ses chroniques 
Ses précédentes chroniques, notamment à propos d'un scandale de «surfacturation» et de «détournement de fonds publics» lié à l'achat d'un nouveau Boeing présidentiel à 40 millions de dollars, lui ont valu d'être interpellé et condamné pour «incitation à la désobéissance des troupes» en 2016. S'en étaient alors suivi des émeutes à Bamako faisant un mort et des dizaines de blessés. Le chroniqueur fera appel et sera finalement acquitté fin 2017.

«La fraude est le pire des crimes que l'on peut cautionner», répète-t-il sans relâche dans un pays où près de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté, même si le pays, premier producteur de coton, enregistre une croissance de 5% depuis plusieurs années.

A l'issue de la manifestation du 18 août dans la capitale malienne, à l'appel de M. Cissé, son soutien Ras Bath s'est interrogé sur «ce que révèlent» les félicitations de la France ou des Nations unies, engagées depuis janvier 2013 au nord du Mali pour lutter contre la menace djihadiste. 

En prenant officiellement ses fonctions de président, le 4 septembre 2018, IBK, 73 ans, devra relancer en priorité l'accord de paix conclu en 2015 avec l'ex-rébellion à majorité touareg, alors que les violences n'ont cessé de s'étendre du nord vers le centre du pays et vers le Burkina Faso et le Niger voisins.

Va-t-il rejoindre un troisième front?
La question qui se pose à présent est quel rôle Ras Bath va-t-il jouer? Il «est en train d'attendre quelque chose», croit savoir une source diplomatique occidentale qui se demande s'il «attend juste le bon moment, ou bien s'il va rejoindre un troisième front? Un front de contestation qui ne fait pas le combat de Soumaïa Cissé.»

«Plus personne n'est à l’abri des contestations du peuple», martèle le frondeur qui, le 18 août, ajoutait derrière son micro, devant des milliers de Maliens rassemblés à Bamako, qu'«aucun président ne saurait arrêter le rasta!»

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