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Législatives au Maroc : islamistes et libéraux favoris, salafistes en embuscade

Le scrutin législatif de ce vendredi 7 octobre 2016 s’annonce serré entre les islamistes du PJD et les «modernistes» du PAM. La gauche, incarnée par Fédération de la gauche démocratique (FGD), rêve d’un retour aux affaires. Et les salafistes se voient déjà en arbitres.
Article rédigé par Catherine Le Brech
France Télévisions
Publié
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Elections sous haute tension au Maroc. (FADEL SENNA / AFP)

Elections sous haute tension. Près de 16 millions d'électeurs sont appelés à voter, le 7 octobre 2016, pour élire leurs 395 députés, à choisir parmi un total de 1.410 listes et 6.992 candidats. En  moyenne, il y aura 15 listes pour chacune des 92 circonscriptions du pays, selon le ministère de l'Intérieur. 4.000 observateurs, dont 92 internationaux, ont été accrédités.
 
Projet contre projet, islamistes contre «modernistes», PJD (Parti Justice et Développement) contre (Parti authenticité et modernité), avec en embuscade la gauche et les salafistes.


Etat parallèle
Après cinq années aux affaires, à la tête d'une coalition faite de libéraux, de communistes et de conservateurs, le PJD de Benkirane rêve de rempiler pour une nouvelle législature. Souvent comparé aux Frères musulmans égyptiens, le PJD avance deux arguments : son bilan social et un vocable censé faire de lui une victime, «tahakoum» (mainmise, en arabe) en référence à un «Etat parallèle» (Makhzane, Palais royal) qui userait de «méthodes autoritaires» pour contrôler la vie  politique. En cause : le ministre de l’Intérieur, Mohammed Hassad.
 
Le scrutin s’annonce très serré. Le principal adversaire du PJD, le Parti authenticité et modernité (PAM) entend «endiguer la marée conservatrice». Le PAM, formation d'inspiration libérale fondée en 2008 par un proche du roi Mohammed VI, Fouad Ali El Himma, entend opposer le «modernisme» au «conservatisme» de son rival et veut faire entrer 30 femmes dans un Parlement qui en manque cruellement.

 
La gauche veut sortir de son coma clinique
A coté des deux poids lourds, la Fédération de la gauche démocratique (FGD) veut ressusciter la gauche marocaine, longtemps la principale force d'opposition sous Hassan II, mais  tombée ces dernières années en état de mort quasi-clinique. Fondée en 2007, la FGD est une alliance de trois partis de gauche dite radicale: le Parti socialiste unifié (PSU), le Parti de l'avant-garde démocratique et socialiste (PADS) et le Congrès national Ittihadi.
 
Elle se veut surtout l'héritière d'une quatrième formation, l'Union socialiste des forces populaires (USFP), fer de lance de l'opposition contre l'ancien souverain, et parti historique auquel ont appartenu plusieurs grandes figures de l'indépendance, comme Mehdi Ben Barka. L'USFP devient la première force politique du pays avec les législatives de 1997. Et participe dès lors aux affaires dans plusieurs gouvernements, jusqu'en 2007.

 
Le retour des salafistes
Ces législatives signent par ailleurs le grand retour des salafistes dans le jeu électoral, dont ils étaient exclus depuis plusieurs années, et qui se présentent sous plusieurs étiquettes. Le plus emblématique d’entre eux est Abdelwahab Rafiki, alias Abou Hafs. Cet ex-prêcheur avait été condamné à 30 ans de prison après les attentats islamistes de Casablanca en 2003 (45 morts). Gracié en 2012, il sera candidat pour l'Istiqlal, le parti nationaliste historique. A l'instar d'Abou Hafs, plusieurs des candidats salafistes ont fait de la prison après les attentats de Casablanca.
 
«Il y a une volonté du palais de montrer que les salafistes, qui vouaient le roi aux gémonies, sont rentrés dans le rang. Il faut donc les récompenser. L'objectif stratégique est de disperser les voix de l'électorat islamiste aux législatives, et d'essayer de dégonfler la bulle PJD», analyse pour l'AFP l'historien Pierre Vermeren. «Les salafistes ont toujours été une arme de l'Etat pour combattre les islamistes ou les gauchistes», confirme l'universitaire Abdelhakim Aboullouz.

 
Mode d’emploi
Sur la trentaine de partis participant, huit ont une audience véritablement nationale et peuvent espérer obtenir un groupe parlementaire. L'élection se déroule selon un système de liste à la proportionnelle, avec un seuil électoral réduit de 3% cette année, au lieu de 6% en 2011, qui  pourrait accentuer la fragmentation et compliquer la formation de la future majorité.
 
L'un des enjeux des élections sera le taux d'abstention, très élevé en 2007 (63%), toujours considérable en 2011 (55%). Jusqu'à l'arrivée au pouvoir de Mohammed VI en 1999, les élections étaient largement manipulées au Maroc. Le scrutin de 2002 avait marqué une étape dans la démocratisation du pays.

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