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Carte Séisme au Maroc : pourquoi l'épicentre du tremblement de terre est aussi éloigné de la zone sismique active du pays

Déformation lente de la croûte terrestre, faille de taille importante, temps géologique très long… Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène.
Article rédigé par Léa Prati
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un habitant de Marrakech (Maroc) dans les décombres d'immeubles détruits par un violent séisme, le 9 septembre 2023. (FADEL SENNA / AFP)

La terre a tremblé à Al Haouz, Ouarzazate, Marrakech, Chichaoua ou encore Azilal, atteignant une intensité de 6,8 sur l'échelle de Richter. Vendredi 8 septembre dans la soirée, un important séisme a secoué la province d'Al Haouz au Maroc, à quelques dizaines de kilomètres de la cité touristique de Marrakech. Quatre jours plus tard, le dernier bilan provisoire recense 2 863 morts et 2 562 blessés, selon le ministère de l'Intérieur marocain. L'épicentre est situé au niveau du massif du Haut Atlas, dans le centre du pays, une région à activité sismique modérée. "Ce n'est pas la zone la plus active du Maroc, qui se situe au nord, proche des montagnes du Rif et du détroit de Gibraltar", explique à franceinfo Jérôme Van der Woerd, chargé de recherche à l'Institut Terre & Environnement de Strasbourg. Alors comment expliquer qu'un tel séisme advienne dans cette zone ?

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Selon les spécialistes, l'épicentre du séisme se situe à l'intérieur d'une plaque tectonique, définie comme un fragment de l'enveloppe solide externe de la Terre. On parle ainsi de séisme intraplaque, plus rare et méconnu que les habituels séismes interplaques, qui surviennent, eux, à hauteur des failles, c'est-à-dire des zones de rupture dans la croûte terrestre. La catastrophe "s'est déroulée sur la bordure nord-ouest de la plaque africaine. Tous les séismes ne se déclenchent pas forcément à la limite parfaite entre deux plaques", détaille Philippe Vernant, enseignant-chercheur à l'université de Montpellier et spécialiste en tectonique active. "Dans le cas du Maroc, la faille qui sépare la plaque africaine de la plaque eurasienne est assez diffuse. Elle n'est pas aussi marquée que celle de San Andreas [en Californie] par exemple".

L'épicentre du séisme qui s'est déroulé au Maroc le vendredi 8 septembre se situe dans la province d'Al Haouz, au nord de Marrakech. (LEA PRATI / HELOISE KROB)

Outre cette immense faille au nord du pays, le Maroc est aussi traversé par d'autres cassures plus petites, mesurant des dizaines de kilomètres, au niveau des massifs du Moyen Atlas, du Haut Atlas et de l'Anti-Atlas situé dans le sud du pays. "Le socle géologique de la région est composé de roches sédimentaires, assez fragiles et déformables. Il subit d'importantes contraintes et des déformations", développe Jérôme Van der Woerd.

Un déplacement d'un millimètre par an du Haut Atlas

D'une manière générale, la croûte terrestre est soumise en continu à d'énormes pressions tectoniques liées aux mouvements des plaques. Cela peut provoquer des déformations des roches de la croûte terrestre. Pour le Maroc, la déformation est de l'ordre de moins d'un millimètre par an et pousse le Haut Atlas dans un axe vertical. La couche supérieure de roche est poussée par-dessus la couche inférieure, entraînant la croissance de la montagne. "Cette déformation n'est pas rapide, mais cela suffit largement pour avoir de petits séismes de manière assez récurrente", poursuit le scientifique.

La déformation et les contraintes des plaques s'accumulent jusqu'à atteindre une valeur critique que les roches ne peuvent plus supporter. "Les failles présentes dans la province d'Al Haouz sont des zones de faiblesse qui peuvent rompre dans un contexte d'accumulation de pressions et de déformations", ajoute Philippe Vernant. En cassant, une importante énergie est libérée sous forme d'ondes sismiques. "Pour ce séisme, on pense que la rupture mesure environ 30 km, de part et d'autre de l'épicentre."

Des failles de plusieurs dizaines de kilomètres

De plus, pour déclencher de grands tremblements de terre, il faut de grandes failles. "Même si cette zone n'est pas particulièrement active, les structures pour accueillir un tel séisme sont bien présentes sous le massif de l'Atlas, au niveau de la province d'Al Haouz", explique Jérôme Van der Woerd. Le 29 février 1960, à Agadir, à 230 km au sud du séisme de vendredi, la terre avait déjà tremblé (magnitude 5,7), causant la mort de plus de 12 000 personnes. "Le mécanisme était exactement le même que pour le séisme actuel. Ce n'est juste pas la même faille qui a joué", décrit le chercheur.

Si l'activité sismique de la région était jugée modérée jusqu'à présent, cela s'explique par le manque de recul des scientifiques. L'étude de la sismologie est relativement récente par rapport à l'échelle de temps géologique, extrêmement longue. Les sismologues se basent sur l'identification de récurrences de tremblements de terre pour évaluer le potentiel sismique, en utilisant les données et les outils disponibles. Or, il n'y a pas eu de séisme récent d'une intensité comparable à celui-ci, ce qui peut créer une fausse impression de stabilité, selon les spécialistes. En réalité, la région présente d'importantes failles, des signes de déformation et a très probablement connu de nombreux séismes il y a des milliers d'années. "Ce séisme nous requestionne sur ce qu'il se passe vraiment sous nos pieds", conclut Jérôme Van der Woerd.

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