Ameenah Guib-Fakim, scientifique et présidente de l'île Maurice
Elle tient sa revanche. Souvent, Ameenah Guib-Fakim a dénoncé les discriminations dont elle se disait victime. Cela a duré 15 ans et atteint son paroxysme en 1994 quand on a brûlé son laboratoire. En 2011, on lui refuse pour la troisième fois la présidence de l’université de Maurice. Ce qu’elle mettra également sur le compte de sa religion et de sa couleur de peau.
Aujourd’hui, la voilà désignée présidente de la République de Maurice. Un poste honorifique, certes, mais qui illustre la réputation de cette scientifique auprès de ses compatriotes. Ameenah est née en 1959 dans une famille modeste. Maman est femme au foyer et papa instituteur. C’est auprès d’eux qu’elle apprendra à utiliser les plantes médicinales.
Elle fait ses études universitaires en Grande-Bretagne et obtient une thèse en chimie organique. Au lieu de poursuivre ses études aux Etats-Unis, elle revient au pays en 1987. «Ce retour aux sources était vital parce que je sentais que j’allais pouvoir être utile dans l’un des sites uniques au monde pour sa biodiversité. » écrit-elle. Mais le pays n’a pas les moyens de s’offrir des labos de recherche en chimie.Se rappelant l’héritage familial, Ameenah Guib-Fakim change d’orientation et choisit la botanique.
Un répertoire des plantes
Les plantes ne manquent pas à Maurice. Pendant trois ans, elle va dresser l’inventaire des plantes médicinales de l’île et en répertorie 675. Deux cents d’entre elles sont endémiques, affirme-t-elle. Le précédent inventaire dressé au 19è siècle n’en répertoriait qu’une seule. Sa notoriété augmente et avec elle, les financements.
Mais la validation scientifique de l’intérêt thérapeutique tarde à venir. Alors elle crée le CEPHYR, un labo dont l’objectif est d’extraire des principes actifs utilisables pour la fabrication de cosmétiques ou de médicaments.
Résultats ou pas les distinctions pleuvent. En 2007, elle obtient le prix l’Oréal-Unesco «pour les femmes et la science». Et surtout en 2013, elle devient docteur honoris causa de l’université Pierre et Marie Curie. Le professeur Fabrice Chemla, qui l’accueille, dit de Ameenah Guid-Fakim : «Elle n'a pas hésité, en plus des classiques prélèvements d'échantillons, à se rendre dans les villages pour recueillir les connaissances traditionnelles, malgré les réticences des guérisseurs souvent peu enclins à partager leur savoir avec des profanes».
Ameenah Guib-Fakim est la première femme à accéder à la magistrature suprême de l'île depuis l'indépendance obtenue en 1968. Auparavant le territoire avait été français jusqu'en 1810 puis britannique. Comme le Canada, c'était la reine d'Angleterre qui en était le chef de l'Etat jusqu'en 1992.
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