Mauritanie: stratégie payante de l'ex-putschiste pour se faire réélire président
La participation était le seul véritable enjeu du scrutin dans la mesure où l’opposition, réunie au sein du Forum national pour la démocratie et l’unité (FNDU), avait appelé au boycott du scrutin. Un scrutin organisé, selon elle, par un «pouvoir dictatorial» de manière «unilatérale». L’appel des opposants a eu un certain impact : 56,46% des électeurs se sont déplacés alors qu’ils étaient 64% en 2009.
Pour autant, Mohamed Ould Abdel Aziz, un ancien général, se place loin devant les autres candidats. Militant connu de la cause anti-esclavagiste, Biram Ould Dah Ould Abeid, est second, avec 8,67% des voix. Boidiel Ould Houmeid, candidat du parti el-Wiam, une formation de l'opposition dite «modérée», se classe troisième avec 4,50% des voix. Il est suivi de Ibrahima Moctar Sarr, représentant la communauté négro-mauritanienne, qui a obtenu 4,44%. La seule femme parmi les candidats, Lalla Mariem Mint Moulaye Idriss, arrive en queue de liste avec 0,49%. L’élection a été surveillée par 200 observateurs étrangers.
La lutte contre Aqmi
Le président sortant a notamment assuré sa réélection grâce à sa stratégie militaire contre al- Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Dans les années 2000, l’organisation avait particulièrement visé la Mauritanie. Elle «avait notamment revendiqué l’attentat suicide perpétré aux portes de l’ambassade de France à Nouakchott (la capitale), et un commando s’en réclamant avait assassiné quatre Français en décembre 2007», rappelle Jeune Afrique.
La France, ancienne puissance colonisatrice encore très présente dans le pays, n’avait pas forcément apprécié le coup d’Etat du 6 août 2008. Lequel avait entraîné une suspension de l’aide internationale. Mais face à l’évolution de la situation, notamment «l’ampleur de la pénétration des réseaux islamistes», et aux attaques d’Aqmi, elle avait finalement décidé de soutenir un nouveau dirigeant «à poigne». Des équipements militaires ont été livrés. Une réforme de l’armée a été appréciée à Paris et de Washington. Et des raids ont été menés en 2010 contre Aqmi.
Une croissance de 6%
Au cours de sa campagne, Mohamed Ould Abdel Aziz a donc insisté sur ses résultats militaires. Il s’est aussi targué de ses résultats économiques : croissance de 6% en 2013, taux d’inflation à moins de 5%. Au cours de son mandat, des routes ont été construites et des projets d’électrification ont été menés à bien, constate Le Monde. Des éléments importants pour un pays dont 50% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté.
Vaste pays désertique de 3,8 millions d’habitants bordant l’Atlantique, aux eaux poissonneuses, la Mauritanie fonde notamment son actuelle croissance sur les revenus du fer, dont elle est le premier producteur en Afrique. Depuis 2006, elle exploite aussi du pétrole. En 2011, elle a signé un accord avec Total pour l’exploration et la production d’or noir en mer. Rentrée dans « le club très privé des pays producteurs de pétrole», elle connaît ainsi «un changement de statut», souligne le site anneemaghreb.revues.or. Et «connaît comme tout nouveau producteur un pouvoir d’attraction médiatique accru». En clair, elle intéresse désormais les milieux économiques internationaux.
Un fin politique
Mais les bons résultats économiques et les succès de la lutte anti-terroriste ne sont pas les seules raisons qui ont assuré la victoire du chef de l’Etat sortant. L’homme est un fin politique. Il a ainsi su s’éloigner de son image de militaire putschiste.
C’est un «fin politique, pragmatique, maîtrisant très bien les techniques de communication», souligne un observateur, cité par Le Monde. Il a également laissé une certaine liberté à la presse en autorisant des médias audiovisuels privés. «Le président a très bien compris l’importance du respect des libertés, par contre, ne pensez pas faire des affaires florissantes si vous êtes un opposant déclaré», souligne un chef d’entreprise mauritanien cité par Le Monde.
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