Mozambique : déminage, la fin d’un cauchemar
Les guerres qui ont déchiré le Mozambique pendant plus d'un quart de siècle ont fait du Mozambique l'un des pays les plus minés de la planète. Est-ce qu'on peut dire aujourd'hui que la décontamination du pays est terminée?
A ce jour, on peut quasiment dire que la décontamination du pays est terminée. On attend cependant une déclaration officielle du gouvernement mozambicain en ce sens.
Néanmoins, il faut garder à l’esprit que même si toutes les zones contaminées connues ont été traitées, il est possible qu’une contamination résiduelle persiste. Ainsi, Handicap International a mis en place un projet visant à former la police mozambicaine sur les techniques de déminage, dans le cas où de telles zones seraient découvertes dans le futur.
Vos équipes ont pris part à ces opérations de déminage. Des tonnes de mines ont été détruites dans les villes et les campagnes. Comment avez-vous procédé pour relever ce défi et quelles ont été les principales difficultés rencontrées sur le terrain?
Le premier défi a été la définition et la localisation des zones minées. Des mines ont été posées de manière aléatoire au Mozambique suite à différents conflits et guerres : les mouvements de libération d’abord puis, suite à l’indépendance du pays, des mouvements de guérilla et des guerres civiles. Les parties aux conflits sécurisaient leurs positions avec des mines, puis se déplaçaient en laissant des zones minées derrières elles.
Après les accords de paix signés en 1992, il a fallu développer des techniques d’enquête pour localiser les zones minées. Des enquêteurs sont allés de villages en villages, afin de discuter avec des paysans, des habitants, d’anciens militaires, des communautés pour savoir où avaient été posées les mines, quelles zones étaient minées, ou encore les lieux dans lesquels les victimes avaient été accidentées.
Les équipes de Handicap International sur le terrain se sont aperçues que près de deux tiers des zones suspectées initialement n’étaient en réalité pas contaminées. Le contexte global était difficile car à l’époque, en 2005, les bailleurs de fonds étaient sceptiques concernant les actions de déminage. Ils avaient peur que ce soit un problème insoluble. Par conséquent, nous avons relancé en 2005 une enquête exhaustive pour être plus efficace, ce qui a permis de terminer le déminage du Mozambique entre 2008 et 2014.
Peut-on aujourd'hui dresser un bilan des victimes de ces mines? Que deviennent les rescapés éparpillés sur le territoire mozambicain?
Les mines et les restes d'explosifs de guerre ont été responsables de milliers de victimes depuis 1992. Environ 2458 victimes ont été officiellement recensées jusqu’en 2013, mais le chiffre réel est beaucoup plus élevé car la collecte de données est très incomplète.
Les difficultés (des rescapés) sont les mêmes que pour toutes les personnes handicapées au Mozambique : avoir accès à des services de qualité en fonction de leurs besoins. On est à un moment particulier, le Mozambique va être l’un des premiers pays au monde fortement impacté par les mines à être dépollué. Mais les victimes, elles, sont toujours là et doivent donc être prises en charge comme prévu par le Traité d’Ottawa.
Le travail de Handicap International sur place est également d’aider le pays à répondre aux obligations prévues par le Traité d’Ottawa, pour continuer à identifier les besoins existant dans le pays pour les victimes des mines.
Est-ce-que le déminage du Mozambique a permis de mettre en œuvre de nouvelles techniques? On a parlé de rats démineurs ? De chiens entraînés à cet effet...
Plusieurs approches ont été testées à partir des années 1990. Initialement, des techniques militaires étaient privilégiées, avec des bataillons qui avançaient pour ouvrir les routes et arriver sur des zones minées. Cependant, ces techniques étaient lentes, chères, et il était difficile de déminer efficacement les terres. Il est également possible d’utiliser des machines blindées qui font exploser les mines.
Handicap International est surtout devenu leader dans le domaine de la détection des mines cynophile (à l’aide de chiens). Cette technique permet de dépolluer des zones beaucoup plus étendues et beaucoup plus rapidement.
Le recours aux rats démineurs est récent. Cette technologie a été développée au début du siècle. Handicap International a collaboré avec une ONG dans ce domaine, dans le cadre d’accords sur le développement avec l’Union Européenne. On leur préparait le terrain pour qu’ils fassent des tests de déminage avec des rats, puis nous déminions le terrain nous-mêmes.
Les chiens sont, par exemple, beaucoup plus efficaces que les rats dans les environnements avec une végétation dense.
Avez-vous l'impression que le drame du Mozambique a laissé des leçons? Qu'il y a moins de mines enfouies sur les champs de bataille en Afrique?
Le Mozambique a été un modèle, un pays très actif dès le départ de la lutte contre les mines. Suite au vote par l’Assemblée générale des Nations Unies du Traité d’interdiction des mines, le Mozambique a été le premier pays à accueillir une Conférence des Etats parties au Traité.
La leçon principale est qu’aujourd’hui, les pays ont détruit leurs stocks, les mines ne sont quasiment plus utilisées, elles le sont maintenant principalement par des acteurs non étatiques, par exemple au Mali, en Syrie, au Moyen-Orient ou encore au Yémen. L’utilisation de mines est devenue très marginale, c’est une arme presque obsolète en 2015. De plus, elle n’est quasiment plus produite et n’est plus vraiment utilisée en combat actif.
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