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Sahel : trois questions sur la "neutralisation" de Soumana Boura, un des assassins de six humanitaires au Niger en août 2020

L'armée française a annoncé mardi avoir tué au Niger un des chefs de l'Etat Islamique au Grand Sahara (EIGS). Il était considéré comme un des auteurs de l'assassinat de six humanitaires français, de leur guide et de leur chauffeur nigériens, en août 2020.

Article rédigé par Eric Biegala
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un drone Reaper de l'armée de l'air française sur la base Barkhane de Niamey, en décembre 2019. (DAPHNE BENOIT / AFP)

Au Niger, l'un des assassins des six humanitaires français tués en août 2020 a été "neutralisé" par une frappe française, a annoncé l'état-major mardi 21 décembre. Soumana Boura, l'un des chefs locaux de l'Etat Islamique au Grand Sahara (EIGS), était recherché depuis des mois. Il avait été identifié comme étant l'un des trois assaillants qui, le 9 août 2020, avaient pris en chasse avec leurs motos le véhicule des humanitaires français d'Acted et d'Impact, dans la réserve de Kouré, à 60 km au sud-est de la capitale, Niamey. Rejoints, les six volontaires de ces ONG, leur chauffeur et leur guide, avaient exécutés.

Dans quelles circonstances Soumana Boura a t-il été tué ? 

Soumana Boura avait été localisé puis formellement identifié lundi dans une zone sanctuaire de l'Etat Islamique, au nord de la ville de Tillabéri, dans le nord-ouest nigérien. Il était seul, dans une zone quasi désertique, et c'était l'occasion idéale de le prendre pour cible, souligne l'état-major. Il a été "neutralisé" – c'est-à-dire abattu – par une bombe guidée au laser tirée par un drone et qui a fait explosion à proximité immédiate de la moto qu'il conduisait. Un groupe de soldats français a ensuite été hélitreuillé pour confirmer la mort de Soumara Boura et fouiller la zone, précise encore l'état-major.

Rien à voir avec une exécution extrajudiciaire ou une frappe punitive, insiste l'état-major : Soumana Boura était considéré comme le chef d'un groupe de l'Etat Islamique au Grand Sahara constitué de plusieurs dizaines de combattants, autrement dit un chef de guerre et c'est en tant que tel qu'il a été visé.

Comment sa piste a-t-elle été retrouvée ?

L'enquête sur l'attentat menée par le Niger et la France, avec trois juges d'instruction français, avait permis entre août 2020 et février 2021 l'arrestation de onze personnes soupçonnées d'avoir participé à l'assassinat, complices de l'Etat Islamique au Grand Sahara : guetteurs embusqués sur la route ce jour-là et signalant au groupe d'assaillants tout véhicule occupé par des Occidentaux, mais aussi membres de cellules logistiques à Niamey, la capitale.

C'est cette enquête qui a permis d'identifier les trois assaillants qui avaient pris en chasse le 4×4 des humanitaires. Soumana Boura était l'un de ceux-là. Agissant sous l'ordre direct de l'émir de l'Etat islamique au Grand Sahara, Adnan Abou Walid al-Sahraoui, il avait non seulement exécuté les humanitaires et leurs accompagnateurs nigériens, mais aussi filmé la scène, assurant la médiatisation de l'assassinat sur les réseaux sociaux et les canaux du groupe jihadiste.

Cette "neutralisation" porte -t-elle un coup sérieux à l'EIGS ?

L'impact de cette "neutralisation" sur l'EIGS est incertain. Ces groupes jihadistes ont jusqu'à présent fait montre d'une remarquable capacité d'adaptation, remplaçant assez facilement un chef tombé par un autre et les opérations ciblées contre des cadres de l'EIGS au Niger et au Mali voisin n'ont pas mis fin à leur activité dans la bande sahélo-saharienne. Soumara Boura était à la tête d'un groupe de quelques dizaines de combattants. Il opérait dans la zone des "trois frontières", entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, et il semblait être basé au Niger. L'état-major français souligne le fait que l'opération a été montée avec les forces armées nigériennes, particulièrement en pointe tant pour ce qui est de l'enquête que de l'identification formelle des jihadistes.

Soumana Boura est le dernier en date des cadres de l'Etat Islamique au Grand Sahara à avoir été arrêté ou tué par les forces françaises et nigériennes. En juin, c'était Dadi Ould Chouaïb, alias Abou Dardar, considéré comme un cadi (juge islamique) dans la région, et Almahmoud ag Baye alias Ikaray, chef d'un groupe de combattants ; en juillet, Issa al-Sahraoui, coordinateur logistique et financier de l'EIGS, et Abou Abderrahmane al-Sahraoui, second de l'EIGS. Et enfin, en août, Adnan Abou Walid al-Sahraoui, l'émir et chef de guerre de l'EIGS. Ce dernier était le véritable donneur d'ordre de l'assassinat des humanitaires et, au moment de sa mort, Jean-Yves Le Drian, ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, avait salué une "bonne nouvelle".

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