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Construite il y a 40 ans, l’aciérie du Nigeria n’a jamais produit d’acier
En 1979, le Nigeria construisait avec l’aide de la Russie encore communiste un immense complexe sidérurgique qui s’étend sur 24.000 hectares à Ajaokuta, au bord du fleuve Niger. Un projet qui a coûté 8 milliards de dollars mais n’a jamais livré le moindre kilo d’acier. Selon Al Jazeera, la production pourrait enfin démarrer, après 40 années d'attente.
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Sur des grues géantes et d’immenses convoyeurs, on peut encore lire «Made in USSR». La rouille n’a pas eu raison de l’inscription. Le projet a été conçu par les ingénieurs soviétiques avec une obsession: être autonome. Tout ce qui est nécessaire à la production devait être fabriqué sur le site, d’où l’immensité du complexe qui compte 60 km de routes et autant de voies ferrées. Plus étendu que la ville de Lokoja dont il est voisin. Ici, il y a en fait 43 usines en une. L’aciérie à elle seule occupe 800 hectares.
En 1983, Ajaokuta bien qu’inachevé, est inauguré. Le site va alors subitement se figer, victime de la corruption qui va absorber l’argent prévu pour l’achèvement du complexe. Des pannes à répétition, des changements de responsables, un manque de volonté politique au regard de l’argent dépensé, vont faire tomber Ajaokuta dans l’oubli.
80% des matières premières (fer et charbon) se trouvent pourtant à moins de 60 km du site. Selon la compagnie gestionnaire, la production pourrait atteindre 10 millions de tonnes d’acier chaque année. Selon un ingénieur du site, il faudrait un milliard de dollars de plus, et 18 mois de travail, pour faire tourner le haut fourneau. Bien moins, selon le comité qui a été mis sur pieds par l’Etat de Kogi où se trouve l’aciérie afin d’achever les travaux. Pour son rapporteur, il faudrait au moins trois ans pour relancer le site, mais y injecter seulement 400 millions de dollars.
L’usine pourrait redémarrer très bientôt. Le président Muhammadu Buhari en a fait une priorité. Du reste, deux centrales électriques produisent déjà 110 MW d’électricité, largement plus qu’il n’en faut pour faire tourner l’aciérie. Mais le cœur, la raison d’être du site reste le haut fourneau. Or, il n’a jamais tourné. Car pour produire de l’acier, toute l’infrastructure doit être en place, en amont et en aval de la production. Du terminal portuaire sur le fleuve, au réseau ferré pour transporter l’acier dans tout le pays. Et dans ce secteur clé, le compte n’y est pas. Ajaokuta reste isolée d’Abuja au nord et de Lagos au sud.
Pour l’heure, le personnel présent sur le site s’affaire à maintenir en état le matériel. Malgré la rouille et l’herbe qui pousse, les machines sont régulièrement mises en route et des spécialistes venus d’Ukraine testent le process et indiquent les réparations à faire. «Nous ne sommes pas de simples employés, nous sommes des patriotes», déclare un des ouvriers. Si le site démarre un jour ils seront autour de 15.000 techniciens à travailler ici. Aujourd’hui ils sont dix fois moins pour assurer l’entretien.
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