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Mariée à un djihadiste de Boko Haram, une lycéenne de Chibok refuse sa liberté

L’une des lycéennes nigérianes de Chibok a refusé de quitter le groupe djihadiste Boko Haram après trois ans de captivité. Un phénomène qui n’est pas rare, selon les experts, et qui illustre la complexité des relations que les victimes entretiennent avec leurs ravisseurs.
Article rédigé par Dominique Cettour-Rose
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des pourparlers entre le gouvernement et le groupe djihadiste Boko Haram ont permis la libération le 7 mai 2017 de 82 jeunes filles, enlevées à Chibok.

	  (STRINGER / AFP)

«Je suis bien où je suis. Je suis mariée». Ce sont les propos d'une des lycéennes enlevées par le groupe djihadiste Boko Haram, en avril 2014. Ils ont été rapportés par le porte-parole de la présidence nigériane, Garba Shehu,  le 9 mai 2017, après la libération deux jours plus tôt de 82 jeunes nigérianes du village de Chibok.

«Après une période aussi longue, il n'est pas étonnant pour les captives de développer le syndrome de Stockholm», explique Mausi Segun de Human Right Watch à Abuja. Elle évoque aussi les «traumatismes dus aux violences», la «confusion religieuse» et la peur du rejet de la part de leur communauté qui les suspecte de symapthie vis-à-vis de Boko Haram. Ce qui rend plus difficile encore la réhabilitation de ces femmes.

Cité par la presse locale, Zannah Mustapha, qui a participé aux pourparlers entre le gouvernement et le groupe djihadiste, affirme que plusieurs des 276 lycéennes enlevées ne souhaitent pas rentrer chez elles. Elles sont d'ailleurs toujours une centaine à ne pas avoir été retrouvées. Le leader de Boko Haram, Abubakar Shekau, avait annoncé peu de temps après leur enlèvement, en 2014, en avoir «mariées» certaines à des combattants. D'autres, chrétiennes, ont été «converties à l'Islam».

Des actrices dans cette guerre
Selon Elisabeth Pearson, chercheuse pour le Royal United Services Institute (RUSI) de Londres, «les combattants de Boko Haram ne sont pas tous violents avec les femmes du camp. Des unions sincères peuvent voir le jour, surtout lorsqu'il y a des enfants impliqués». Ces enfants sont parfois abandonnés dans les camps de déplacés.

Secte extrémiste devenue un mouvement djihadiste, Boko Haram dans sa rhétorique anti-gouvernementale, anti-armée, parfois empreinte de magie noire dans une région abandonnée par l'Etat pendant des décennies, peut séduire une population non-éduquée. 

«Les femmes ne sont pas seulement victimes mais aussi actrices dans cette guerre», indiquait un rapport d'International Crisis Group de décembre 2016. Après sept années de conflit qui ravage la vaste région du lac Tchad, «les hommes ont été tués de manière disproportionnée», soulignait le rapport, et les femmes kidnappées sont régulièrement utilisées comme bombes humaines depuis près de deux ans.


Dès la libération des 82 lycéennes, Amnesty International a demandé aux autorités nigérianes qu'elle aient un soutien psychologique. L'ONG a également appelé l'armée à ne pas prolonger son enquête militaire, censée évaluer l'allégeance présumée des victimes à l'organisation djihadiste, pouvant durer plusieurs mois.

Grave crise humanitaire
Alors que 113 sont toujours en captivités, les lycéennes de Chibok sont devenues le symbole des dizaines de milliers de personnes encore détenues par Boko Haram, qui utilise le kidnapping de masse comme moyen de recrutement. Relayé par les médias du monde entier, l’enlèvement de ces adolescentes – dont 57 avaient réussi à s’échapper juste après le rapt – avait alors suscité une vague d’indignation de la part de célébrités sur les réseaux sociaux à coups de hashtags #bringbackourgirls («Ramenez-nous nos filles»).

Le conflit, particulièrement sanglant dans la zone du lac Tchad, a fait plus de 20 000 morts et 2,6 millions de déplacés. La région est plongée dans une grave crise humanitaire qui touche quelque 21 millions de personnes réparties dans quatre pays: le Nigeria, le Tchad, le Cameroun et le Niger, selon Geopolis.

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