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Nigeria : des avocates défendent gratuitement les prévenus les plus pauvres

Les cinq avocates de la Headfort Foundation assurent gratuitement la défense des plus démunis et font sortir des prisons de Lagos des dizaines de prévenus.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Des policiers anti-émeutes nigérians conduisent en prison un chef présumé d'un kidnapping, après qu'il a été traduit en justice devant la Haute Cour de l'Etat de Lagos, le 30 août 2017.  (PIUS UTOMI EKPEI / AFP)

Pour leur première année d’activité, elles ont facilité la libération de 100 prisonniers accusés à tort. Elles, ce sont les cinq avocates de la Headfort Foundation, une ONG nigériane créée en mars 2019 par Oluyemi Orija, jeune avocate de Lagos. L’ONG fournit une représentation légale à ceux qui ne peuvent pas se la payer. "J'ai été témoin de plusieurs affaires judiciaires où des personnes sont accusées pour des faits dérisoires, comme casser des caisses d’œufs. Ils sont renvoyés en prison parce qu’ils n’ont pas d’avocats pour les défendre, et ils continuent de croupir en prison", explique l’avocate.

Ainsi Adeolu Lawal, un chauffeur d’autocar de 53 ans, a passé deux ans en prison sans avoir été condamné, en préventive pour avoir lors d’un accident de la route détruit des marchandises dans un magasin. Au Nigeria, l'aide juridictionnelle d'Etat n'existe pas. Celui qui n'a pas les moyens de se payer un avocat peut passer des mois en prison sans qu'on s'intéresse à son cas. Désormais, grâce à la Headfort Foundation qui a travaillé sur son dossier, Adeolu Lawal est libre et attend que son affaire soit jugée.

3 détenus sur 4 en attente de jugement

Le Nigeria est victime d’une surpopulation carcérale qui est la conséquence directe de ces incarcérations injustifiées, selon Oluyemi Orija. "C'est la raison pour laquelle il y a 4 000 détenus dans un établissement d'une capacité de 800 personnes", explique-t-elle au Guardian. Les personnes en attente de jugement y représentent 74% de la population carcérale, soit 51 000 prisonniers aux derniers chiffres.

L'activiste Adedayo Ademuwagun interpelle la justice le 10 août 2020, afin qu'elle libère les milliers de prisonniers en détention préventive au Nigeria. (PIUS UTOMI EKPEI / AFP)

Dans certaines prisons, avance Al Jazeera, la détention préventive peut concerner 90% des détenus. Quant à la surpopulation carcérale, les autorités considèrent qu’elle ne concerne que les grandes villes : Lagos, Kano, Port-Harcourt.

Application mobile

L’arrivée du coronavirus n’a pas facilité le travail des cinq avocates. Les visites étant interdites en prison, elles ont installé des bureaux mobiles devant les tribunaux afin de contacter directement les prévenus. L’équipe d’avocates vient également de lancer une application mobile Lawyers NowNow, pour être ainsi présente dans les 240 prisons que compte le Nigeria.

Le cabinet d’avocat Headfort Chambers auquel est appuyé l’ONG est le principal argentier de la fondation. C’est le cabinet qu’Oluyemi Orija avait créé avant de lancer la fondation. Les bénéfices de l’un servent à financer l’autre. L’ONG fait également appel aux dons, notamment pour payer les cautions réclamées aux prévenus. Mais l’argent se fait rare et l’association se tourne vers les bénévoles et demande de l’aide aux juristes, avocats, activistes d’ONG pour traiter en partie les dossiers.

Et si l’équipe est exclusivement composée de femmes c’est, selon la fondatrice, parce que les femmes "sont passionnées par la justice".

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