Arrestation de l’écrivain Kakwenza Rukirabashaija en Ouganda, où le pouvoir ne supporte aucune voix critique
Déjà arrêté en avril 2020, l'écrivain avait été interrogé et torturé par la police ougandaise au sujet de son roman, "The Greedy Barbarian" ("Le Barbare avide").
L’écrivain ougandais Kakwenza Rukirabashaija a été brutalement arrêté mardi 28 décembre 2021 à son domicile, dans la capitale ougandaise Kampala. "Des hommes armés affirmant être de la police ougandaise" se sont introduits dans la maison de M. Rukirabashaija, tandis que celui-ci était au téléphone avec son avocat. "Je les ai entendus menacer de lui casser les jambes", a déclaré à l'AFP son avocat Eron Kiiza.
"Le Barbare avide"
Selon Eron Kiiza, Kakwenza Rukirabashaija est actuellement détenu à la Crime Intelligence Unit de Naguru Kampala. Le porte-parole des forces de police, Fred Enanga, a reconnu à demi-mot son arrestation, sans en donner la raison. L'écrivain, critique affiché du pouvoir et du président Yoweri Museveni, a été salué en 2020 par la critique pour son roman satirique The Greedy Barbarian (Le Barbare avide), qui décrit un pays imaginaire profondément gangréné par la corruption, avec à sa tête un dictateur cupide et incompétent. Il a reçu l'International Writer of Courage, récompense décernée par l'organisation English PEN qui défend la liberté d'expression des auteurs.
L'écrivain a été arrêté à plusieurs reprises depuis la publication de ce livre. Il a affirmé avoir subi des tortures lors d'interrogatoires qu’il a racontés dans un autre roman intitulé The Banana Republic : where writing is treasonous (La République bananière : là où écrire est une trahison).
"Yoweri Museveni, le président de l'Ouganda, a cru que j'écrivais à son sujet et a envoyé ses sbires m'arrêter et me torturer, afin de restreindre ma créativité."
Kakwenza Rukirabashaija, écrivain ougandaisActualité littéraire
Ces derniers temps, Kakwenza Rukirabashaija a intensifié ses critiques contre le fils du président Museveni, Muhoozi Kainerugaba, un général dont beaucoup pensent qu'il veut prendre la succession de son père, âgé de 77 ans et au pouvoir depuis 36 ans. L'écrivain l'a qualifié d'"obèse" et de "rouspéteur".
Répression et intimidation des opposants
Dans ce pays, les dernières années ont été marquées par des actes de répression contre des journalistes, des musiciens, des incarcérations d'avocats ou encore par le musellement de leaders de l'opposition.
En novembre 2021, les autorités américaines ont adopté des sanctions contre le chef du renseignement militaire ougandais, le général Abel Kandiho, pour son implication présumée et celle de ses services dans de graves violations des droits de l'Homme, notamment des passages à tabac, des agressions sexuelles et des électrocutions.
L’avocat ougandais des droits humains Nicholas Opiyo, qui a fui aux Etats-Unis affirmant être menacé par le gouvernement, a critiqué sur Twitter (à gauche de Kakwenza Rukirabashaija sur la photo du tweet ci-dessous) l'arrestation "violente et illégale" de M. Rukirabashaija et appelé à sa libération.
The violent unlawful arrest of @KakwenzaRukira by non-uniformed armed men believed to be from the Crime Intelligence Unit of the @PoliceUg only makes his point - uninteligent integligence unit. I hope they see the point & release him forthwith. The pen is mighter. #freekakwenza pic.twitter.com/hHf8bwk5rn
— Nicholas Opiyo (@nickopiyo) December 28, 2021
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