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Ouganda: Dominic Ongwen, d’enfant soldat à sanguinaire chef de guerre de la LRA
Dominic Ongwen, l'un des principaux commandants de la rébellion de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), a plaidé non coupable face aux 70 chefs d'accusation pour crimes de guerre et de crimes contre l'humanité retenus contre lui par la Cour pénale internationale (CPI). Pour la première fois, cette dernière juge un ancien enfant soldat recruté à l'âge de 14 ans par la milice de Joseph Kony.
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Le numéro deux de la rébellion de l’Armée de résistance du Seigneur a annoncé la couleur en plaidant non coupable à l’ouverture, le 6 décembre 2016, de son procès pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
Victime ou bourreau?
En mars 2016, les juges avaient confirmé l'ensemble des 70 accusations contre Dominic Ongwen. Ils estiment qu'il existe «des motifs substantiels de croire» qu'il est responsable, en tant qu'auteur et en tant que commandant, de meurtres, viols, esclavage sexuel, torture, pillages et de recrutement d'enfants soldats âgés de moins de 15 ans. Il est également accusé de «mariages forcés».
Lors des audiences préliminaires qui se sont tenues en janvier 2016, le procureur avait assuré aux juges que le chef rebelle était le «fer de lance» de la LRA, groupe qui est connu pour avoir massacré plus de 100.000 personnes et enlevé plus de 60.000 enfants, dans une guerre sanglante contre le pouvoir central de Kampala.
La LRA opérait alors dans le nord de l'Ouganda, où elle a multiplié les exactions. Elle en a été chassée au milieu des années 2000 par l'armée ougandaise, avant de s'éparpiller dans les forêts équatoriales des pays alentours, dont la Centrafrique. «C'est la LRA qui a enlevé les enfants dans le nord de l'Ouganda. C'est la LRA qui a commis les crimes au nord de l'Ouganda, c'est n'est pas moi», a plaidé Dominic Ongwen.
Le procureur de la CPI l'accuse notamment d'avoir mené ou ordonné des attaques «systématiques et généralisées» contre des civils dans quatre camps de réfugiés perçus comme des sympathisants du président ougandais Yoweri Museveni.
C’est la première fois qu’un ex-enfant soldat est jugé par cette instance qui se retrouve face à un dilemme: Dominic Ongwen peut-il être légalement responsable de crimes alors qu'il a d'abord été une victime? Son passé d’enfant soldat constitue sa principale ligne de défense.
Certains groupes de défense des droits de l'Homme estiment que Dominic Ongwen est à l'origine lui-même une victime. Un sentiment que partagent d’anciens combattants de la LRA, enlevés dans les mêmes conditions que l'ancien commandant, notamment ceux qui témoignent dans le documentaire de Jonathan Littel Wrong Elements, présenté au dernier festival de Cannes et qui revient largement sur l'arrestation de Dominic Ongwen.
Un peu moins de la moitié des enfants enlevés par la LRA et qui ont survécu ont été amnistiés.
«Piégé?»
Devant ses juges, Dominic Ongwen a affirmé être né en 1975 et avoir été enlevé en 1988. «J'ai été emmené dans la brousse quand j'avais 14 ans», a-t-il déclaré. Dominic Ongwen, fils de deux professeurs, a été kidnappé sur le chemin de l'école près de son village de Coorom, dans le nord de l'Ouganda.
Des victimes ont raconté les rites initiatiques brutaux de la milice fondée en 1987 et dirigée par Joseph Kony. Les personnes enrôlées de force étaient ainsi contraintes de mordre et de matraquer amis et parents à mort, de boire du sang. Il est probable qu'Ongwen ait dû subir ces rites.
Ses parents voyaient en Dominic Ongwen un futur médecin ou un avocat, raconte Ledio Cakaj, spécialiste des conflits en Afrique de l'Est et du centre et auteur d'un livre paru en novembre 2016 sur la LRA. A 15 ans, il est «forcé de participer» à son premier massacre, celui de 300 personnes dans le village d'Atiak, sous le commandement de Vincent Otti qui deviendra le mentor d'Ongwen.
En dépit de sa jeunesse, l’enfant soldat est repéré pour sa loyauté dans le crime, son courage au combat et ses qualités de tacticien. Il monte rapidement en grade et devient chef d'une des quatre brigades de la LRA, Sinia.
Mais sa carrière de milicien ne sera pas «exemplaire». En grandissant, poursuit Ledio Cakaj, Ongwen gagne en sagesse, devient plus critique envers Joseph Kony et pense quitter la rébellion mais la peur – celle d'être hanté par les mauvais esprits ou d'être arrêté par les autorités ougandaises – semble le retenir. Il tente néanmoins de faire défection. Sans succès apparemment: il se sent alors «piégé». Ses échecs le rendent dépressif et il trouve refuge dans l'alcool, notamment en 2007, l'année où Joseph Kony autorise sa consommation au sein du mouvement. Sept ans plus tard, celui qui a été surnommé «fourmi Blanche» finira par se rendre.
Une décennie de cavale
C'est en 2003 que l'Ouganda confie le dossier de la LRA à la CPI. Dominic Ongwen est alors inculpé en 2005 par la juridiction internationale à l’instar de quatre autres responsables du groupe. Le 27 décembre 2014, il se rend à la rébellion de la Séléka dans le nord-est de la République centrafricaine. Il est alors transporté par avion à Obo, le 5 janvier 2015, par les forces spéciales américaines, qui soutiennent la Force régionale d’intervention (FRI), conduite sous les auspices de l’Union africaine.
La suite? Les Américains remettent Dominic Ongwen, le 14 janvier, au contingent ougandais de la FRI qui traque les derniers soldats de la LRA – environ 200 – et leur chef Joseph Kony. Deux jours plus tard, l’ancien commandant de la LRA est confié aux autorités centrafricaines. Elles assureront son transfèrement à la CPI dans les jours suivants.
La reddition de Dominic Ongwen est un grand coup porté à la LRA dont il est le premier membre à comparaître devant la CPI. Les Etats-Unis offraient cinq millions de dollars pour la capture du chef rebelle.
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