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Cameroun: la descente aux enfers des provinces anglophones

La dernière attaque rebelle perpétrée le 20 avril 2018 dans le Cameroun anglophone a failli coûter la vie au gouverneur du Sud-Ouest, Bernard Okalia Bilai. Les assaillants ont tiré sur son convoi protégé par un imposant dispositif militaire. Les groupes séparatistes multiplient les actions violentes contre des symboles de l’Etat. La crise socio-politique est en passe de devenir un conflit armé.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Le gouverneur de la région anglophone du Sud-Ouest, Bernard Okalia Belai, se déplace avec un gilet pare-balles. Il a échappé à une attaque rebelle qui a visé son convoi le 20 avril 2018. (Capture d'écran/DR)

La presse camerounaise a fait état de plusieurs blessés dans le convoi du gouverneur Bernard Okalia Bilai qui a échappé de justesse aux tirs des rebelles anglophones dans la localité de Lewoh, dans le sud-ouest du pays. La télévision l’a ensuite montré portant un gilet pare-balles, alors qu’il présidait une cérémonie d’installation d’un nouveau préfet.

Le 20 avril, deux militaires camerounais ont été tués et quatre autres gravement blessés dans l’explosion d’une mine dans cette zone anglophone en proie à des violences entre séparatistes et pouvoir central de Yaoundé.

Selon un bilan fourni par l’AFP, 30 membres des forces de sécurité y ont trouvé la mort depuis fin 2017. Les séparatistes, en lutte pour l’indépendance du Cameroun anglophone, ont demandé aux représentants de Yaoundé ainsi qu’aux forces de sécurité de quitter leur territoire, les qualifiants de «forces d’occupation».

Des voix s’élèvent pour dénoncer «la spirale de la violence»
A mesure que la crise évolue, de nouveaux groupes séparatistes apparaissent, arborant sur les réseaux sociaux armes et drapeau de l’«Ambazonie», du nom de l’Etat qu’ils veulent créer dans les régions anglophones camerounaises.

Dans un communiqué rendu public le 21 avril, le chef de file de l’opposition camerounaise, John Frundi, interpelle le président Paul Biya. Il lui demande de «mettre fin immédiatement à la guerre qu’il a déclarée et à la spirale de violence dont les populations locales paient le plus lourd tribut».

La zone anglophone mise sous coupe réglée
La presse africaine s’inquiète d’une véritable guérilla qui s’installe dans les régions anglophones du nord-ouest et du sud-ouest du Cameroun.

«Les revendications séparatistes, marginales jusque-là, commencent à inquiéter par leur allure de guerre de sécession sans qu’on voie d’initiative sérieuse de la part du gouvernement de Paul Biya pour désamorcer la crise et il faut craindre qu’il ne dégénère davantage en guerre civile», écrit le quotidien Burkinabè l’Observateur Paalga.

C’est aussi l’avis du quotidien Le Pays qui constate que les groupes séparatistes ont mis sous coupe réglée toute la zone anglophone du pays. Le journal de Ouagadougou reproche aux autorités camerounaises d’avoir fait le choix de sortir l’artillerie plutôt que de négocier avec les indépendantistes.

«Il n’est pas exclu que les séparatistes, afin de donner du fil à retordre au pouvoir camerounais, en viennent à pactiser avec les islamistes de Boko Haram, quitte à regretter plus tard», écrit le journal qui fait un parallèle avec ce qui s’est passé au Mali.

Une population prise entre deux feux
Le quotidien camerounais Cameroon Post donne la parole à des opposants qui fustigent «le goût immodéré du pouvoir pour l’utilisation de la force militaire» tout en soulignant que «la sécession est une voie sans issue pour le pays».

Un bras de fer meurtrier qui paralyse de plus en plus les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui regroupent les habitants anglophones du Cameroun. Ils représentent 20% de la population du pays, pris entre deux feux.

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