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Egypte: condamnations à mort et exécutions, piliers de la gouvernance d’al-Sissi
Sous le titre «le mardi est devenu le jour des exécutions en Egypte», la journaliste égypto-américaine Mona Eltahawy publie une tribune dans le «New York Times» avec des chiffres accablants pour le président égyptien. Le nombre d’exécutions et de condamnations à mort est en forte progression, tendant à accréditer l’idée qu’elles sont devenues un pilier de la gouvernance d'Abdel Fattah al-Sissi.
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Depuis l’accession au pouvoir d’Abdel Fattah al-Sissi en Egypte en 2014, le nombre de condamnations à mort et d’exécutions a connu une nette progression. C’est le constat que fait, chiffres à l’appui, l’écrivaine, journaliste, activiste et militante féministe, Mona Eltahawy.
Le mardi, jour d'exécutions en Egypte
Dans une tribune publiée par le New York Times, l'auteure, originaire de Port-Saïd et naturalisée américaine en 2011, dresse une chronologie macabre des dernières applications de la peine capitale aux pays des pyramides.
Mardi 9 janvier 2018, trois hommes condamnés à mort pour viol en 2011 par un tribunal militaire ont été pendus. Le mardi précédent, 2 janvier, ce sont cinq personnes condamnées à mort, toujours par un tribunal militaire, dont quatre pour un attentat à la bombe dans un stade au nord du Caire qui a couté la vie à trois élèves officiers, qui ont pris le chemin de la potence.
Le 26 décembre 2017, toujours un mardi, 15 hommes ont été exécutés. Ils avaient été condamnés à mort pour l’attaque contre un barrage de l’armée dans le Sinaï en 2013.
A ce propos, Mona Eltahawy rappelle que cette attaque avait été précédée la veille d’une répression massive par les forces de sécurité de Sissi des partisans du président renversé, Mohamed Morsi, qui avait fait près de 1000 morts au Caire.
Pour l'ONU, les exécutions ne peuvent être utilisées pour combattre le terrorisme
Quant aux peines de morts prononcées contre des civils par les tribunaux militaires, le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme avait exprimé sa profonde préoccupation. «Les civils ne doivent être jugés dans des tribunaux militaires ou spéciaux que dans des cas exceptionnels», a déclaré la porte-parole du Bureau à Genève, Liz Throssell.
Selon le Bureau, malgré les problèmes de sécurité auxquels l’Egypte est confrontée, en particulier dans le Sinaï, les exécutions ne devraient pas être utilisées comme moyen de combattre le terrorisme. Aussi, le Bureau a appelé, le 6 janvier 2018, les autorités à reconsidérer l’application de la peine de mort conformément à leurs obligations internationales en matière de droits de l’Homme et à prendre les mesures nécessaires pour éviter toute nouvelle violation de ces garanties.
Au total, selon des chiffres de la presse officielle, les tribunaux égyptiens ont prononcé 186 condamnations à mort en 2017 contre 60 en 2016. Le nombre d’exécutions a doublé, lui, entre 2015 et 2016 en passant de 22 à 44. Enfin, si 16 personnes ont été pendues en 2017, plus de la moitié l’ont été au cours des neuf premiers jours de 2018.
Ces chiffres n’incluent pas le nombre d’exécutions extrajudiciaires, précise Eltahawy. En avril 2017, par exemple, l’ONG de Défense des droits de l’homme Human Rights Watch avait signalé qu’au moins deux voire huit personnes, désarmées et détenues dans le Sinaï, avaient été exécutées par des militaires et leur mort maquillées en «attaque terroriste».
Une démonstration de force avant l'anniversaire du soulèvement et l'élection présidentielle
Dans sa tribune, la journaliste active constate en tout cas que les 22 exécutions en trois semaines successives sont intervenues en amont du 25 janvier, date anniversaire du soulèvement contre le président Hosni Moubarak en 2011.
«Un message clair du gouvernement, déterminé à montrer qu’il contrôle la situation», écrit Eltahawy. Mais est-ce bien la réalité?, s’interroge-t-elle, rappelant qu’en novembre 2017 une attaque à la bombe et aux armes automatiques par une quarantaine d’assaillants contre la mosquée al-Rawda de Bir al-Abed dans le nord du SinaÏ avait fait 305 morts et 128 blessés.
Des exécutions en forme de démonstration de force à l’approche également de l’élection présidentielle du mois de mars. Une échéance pour laquelle le président Sissi s’efforce de faire place nette en bloquant toute candidature qui pourrait lui faire ombrage, avant de présenter officiellement la sienne.
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