Ethiopie : Jawar Mohammed, l'ancien allié du Premier ministre Abiy Ahmed, accusé d'attiser les mécontentements
Depuis son retour d'exil en 2018, à la faveur de l'arrivée au pouvoir d'un membre de l'ethnie oromo, comme lui, l'ardent Jawar Mohammed n'a cessé de faire craindre une explosion des tensions, malgré son soutien au gouvernement dans un premier temps.
Pas d'état de grâce pour le Nobel de la paix 2019. Alors qu'il se trouvait à Sotchi le 23 octobre pour participer au sommet Russie-Afrique, le Premier ministre éthiopien, tout juste gratifié du prestigieux prix, apprenait que des affrontements étaient en cours à Addis Abeba entre forces de l'ordre et manifestants, mais aussi entre communautés ethniques. Selon la police, au moins 67 personnes ont trouvé la mort lors de ces violences qui se sont étendues à la région d'Oromia.
Le feu couvait sous la cendre
A son retour, Abiy Ahmed, artisan de la paix avec l'Erythrée voisine et auteur de nombreuses réformes, s'est alarmé d'une "tentative de transformer la crise actuelle en une crise ethnique et religieuse", visant, sans le nommer, le fondateur du média d'opposition Oromia Media Network (OMN) Jawar Mohammed, qui a pris ses distances avec le Premier ministre.
Longtemps livré à l'autoritarisme de la minorité tigréenne du Nord, le pays n'a-t-il pas vu la légalisation des groupes dissidents et l'amélioration de la liberté de la presse ? Mais cette ouverture a, en même temps, permis une expression plus libre des tensions intercommunautaires et des nationalismes ethniques. Or, ces tensions ne demandent qu'à s'embraser au moindre échauffement. L'Ethiopie, deuxième pays le plus peuplé d'Afrique avec 110 millions d'habitants, est composé de 80 ethnies, au bas mot. Dans cette mosaïque, le peuple oromo est le plus nombreux et le plus revendicatif.
Ses deux représentants les plus célèbres sont aujourd'hui aux antipodes l'un de l'autre. D'un côté, un Premier ministre réformateur, appelant à l'unité des Ethiopiens face à la tentation extrémiste, de l'autre, un militant survolté, controversé et peu sensible aux réformes engagées par Abiy Ahmed. Leur hostilité a éclaté au grand jour lorsque Jawar Mohammed a accusé le chef du gouvernement de vouloir "instaurer une dictature". Une opposition qui illustre les divisions au sein même de l'ethnie oromo. Cette situation pourrait affaiblir le soutien à Abiy Ahmed à quelques mois d'élections législatives promises par son programme et prévues pour mai 2020.
1,7 million d'abonnés sur Facebook
Jawar Mohammed n'a d'ailleurs pas exclu une éventuelle candidature contre le Premier ministre. "C'est une possibilité, a-t-il affirmé à l'AFP. Je veux avoir un rôle actif dans ces élections. Je ne sais pas encore à quel titre, mais je veux que l'influence que j'exerce dans le pays se concrétise positivement."
L'homme, qui réunit 1,7 million d'abonnés sur Facebook, est régulièrement accusé par ses détracteurs d'inciter à la haine ethnique. En août 2018, le quotidien Le Monde remarquait déjà à propos de Jawar Mohammed que "certains observateurs ne peuvent s’empêcher de craindre le réveil d’un ultranationalisme oromo et les agissements d’un personnage provocateur, fier d’avoir 'créé une génération prête à mourir en masse'. Jawar est très dangereux, d’une ambition folle et démagogue.'"
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