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Madagascar : la prise du pouvoir par la rue, une pratique qui a fait ses preuves

Où va Madagascar ? C’est la question que tout le monde se pose alors que la Grande Ile de l’Océan indien est plongée dans une crise politique qui dure depuis plus d’un mois. L’opposition occupe la rue et pousse le président à la démission, sans résultat pour l’instant. Retour sur une stratégie qui a fait ses preuves dans ce pays depuis des décennies.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
 

C’est la dernière en date d’une longue série de mouvements de contestation populaire qui ont ponctué l’histoire de la Grande Ile depuis son indépendance en 1960.

Depuis plus d’un mois, l’opposition malgache occupe la rue pour exiger la démission du chef de l’Etat, Hery Rajaonarimampianina, au pouvoir depuis 2013. Elle l’accuse de vouloir faire taire ses opposants à la veille des élections générales prévues avant la fin de l’année.

Elle a même déposé une demande de destitution auprès de la Haute cour constitutionnelle. Celle-ci n’y a pas accédé, mais elle a appelé à la mise en place d’un gouvernement d’union nationale. Une proposition qui n’a pas suffi à baisser la tension. Loin de là.

Le président malgache Hery Rajaonarimampianina au cours d'une conférence de presse dans son palais le 29 avril 2018. Face aux manifestations, il dénonce une tentative de coup d'Etat. (Photo AFP/Rijasolo)

Des manifestations et des grèves qui paralysent le pays
Ce bras de fer, dont personne ne peut prévoir l’issue, illustre l’instabilité politique chronique dans laquelle est plongée Madagascar depuis près de 60 ans. Dans la Grande Ile de l’Océan Indien, la prise du pouvoir par la rue a fait ses preuves depuis les années 70.

La première manifestation de masse à Antananarivo remonte au mois de juin 1991. Des grèves générales paralysent le pays. Pendant plusieurs mois, des centaines de milliers de personnes prennent d’assaut la capitale et les villes de province, et réclament la démission du gouvernement. L’opposition, conduite par Albert Zafy, met en place un gouvernement de transition et occupe les ministères.

Le 10 août 1991, la garde présidentielle de Didier Ratsiraka ouvre le feu sur les manifestants. Le massacre se solde par une centaine de morts. Dans la foulée, une Haute autorité de l’Etat pour la transition se met en place sous la pression de l’armée. Elle s’achèvera par l’entrée en vigueur d’une nouvelle constitution et l’élection d’Albert Zafy.

Balayé par la rue, Didier Ratsiraka part en exil
Revenu au pouvoir en 1995 à l’occasion d’une élection anticipée, Didier Ratsiraka sera à nouveau balayé par la rue en février 2002 à l’issue d’une élection qui l’oppose au maire de la capitale Marc Ravalomanana, son principal concurrent.

Ce dernier affirme avoir remporté le scrutin dès le premier tour et fait descendre ses partisans dans la rue. Menacé d’arrestation, Didier Ratsiraka part en exil en France mettant ainsi fin à la crise.

En 2009, c’est le tombeur de Didier Ratsiraka qui prend à son tour le chemin de l’exil. La crise éclate en décembre 2008 à la suite de l’interdiction de la chaîne de télévision privée du maire d’Antananarivo, Andry Rajoelina. Le 17 janvier 2009, le maire réunit des milliers de personnes dans la rue au nom de la liberté d’expression. Le rassemblement dégénère en émeutes et pillages.

Lâché par l’armée, Marc Ravalomanana s’exile en Afrique du Sud
Le 7 février 2009, la garde présidentielle tire à balles réelles sur les manifestations. Bilan, une centaine de morts. Très rapidement, l’opposition s’empare du siège du gouvernement. Le 17 mars, le maire de la capitale, Andry Rajoelina fait une entrée triomphale dans les bureaux de la présidence, pris d’assaut par l’armée. Marc Ravalomanana s’exile en Afrique du Sud.

Rentré d’exil dans des conditions rocambolesques en octobre 2014, l’ancien président Ravalomanana et son tombeur Andry Rajoelina ont enterré la hache de guerre. Leurs partisans respectifs occupent la rue depuis plus d’un mois pour réclamer le départ du président en exercice, Hery Rajaonarimampianina.

Le président sortant sera-t-il balayé par la rue comme ses prédécesseurs ? Pour l’instant, l’armée s’est posée en garante des institutions, tout en mettant en garde la classe politique malgache.

«Nous lançons un appel à tous les citoyens sans exception à ne plus se laisser manipuler par les politiques…ça suffit le versement de sang et les pertes humaines» a lancé le ministre de la Défense, le général Béni Xavier Rasolofonirina.

Les responsables des forces de l’ordre demandent aux chefs des partis politiques de prendre leurs responsabilités et de trouver rapidement une solution à la crise.
 
 

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