Mali : la junte exige le départ immédiat des soldats danois de la force Takuba
La junte malienne poursuit ses provocations et sa fuite en avant. Selon elle, le déploiement d'une centaine de soldats danois se serait fait sans son consentement, ce que réfute le Danemark.
La junte au pouvoir au Mali a demandé au Danemark de retirer "immédiatement" la centaine de soldats arrivés il y a quelques jours dans le pays pour participer au groupement européen de forces spéciales Takuba.
A quoi joue la junte malienne ?
Basée à Ménaka dans l'est du Mali, la force Takuba regroupe les forces spéciales européennes d’une dizaine de pays : Pays-Bas, Estonie, Suède, Belgique, République Tchèque, Norvège, Portugal, Italie et Hongrie. Elle est destinée à accompagner les soldats maliens face aux jihadistes. Elle a été lancée en mars 2020 à l'initiative de la France pour partager le fardeau militaire avec ses partenaires européens.
Le Danemark a annoncé la semaine passée l'arrivée au Mali de 90 hommes, essentiellement des soldats d'élite et des chirurgiens militaires, censés participer au sein de Takuba à la protection des civils contre les jihadistes dans la zone dite des Trois frontières (Mali, Burkina Faso, Niger).
Le gouvernement malien a déclaré le 24 janvier 2022 dans un communiqué lu à la télévision nationale que "ce déploiement est intervenu sans son consentement" et que, par conséquent, "la République du Mali invite la partie danoise à retirer immédiatement son contingent du territoire". De son côté, le Danemark a affirmé avoir reçu "une invitation claire" pour ses forces spéciales et essaie de "clarifier pourquoi le régime malien a subitement demandé leur départ", selon son chef de la diplomatie. Dans un communiqué diffusé le 25 janvier, Copenhague a également indiqué que "la contribution danoise a été acceptée à la fois par le précédent gouvernement malien et, à plusieurs reprises, par l'actuel gouvernement de transition".
Bras de fer avec la France
Les raisons de cette annonce sont à chercher du côté du bras de fer qui oppose la junte militaire malienne à la France et à une partie de la communauté internationale. Lesquelles entendent voir le pouvoir malien tenir son engagement : à savoir rendre le pouvoir aux civils dans un avenir proche. Depuis que la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) a imposé au Mali le 9 janvier des sanctions économiques, la junte joue l'épreuve de force. Le Mali avait déjà officiellement demandé fin décembre à la France la révision des accords de défense qui lient les deux pays, doléance qui n’a jusqu’ici pas suscité de réaction officielle côté français.
La demande de retrait du contingent danois ajoute encore un motif de friction entre le Mali et ses partenaires, alors que la France s'interroge sur la voie à suivre avec une junte qui refuse d’aller aux élections et qui à ouvert ses portes aux mercenaires de la société privée russe Wagner. Les pays engagés dans Takuba avaient protesté fin décembre, avec d'autres pays occidentaux, contre le recours à Wagner. Une présence russe qui risque de compliquer fortement l’action des forces européennes sur le terrain.
"Il y a actuellement une discussion diplomatique difficile avec le gouvernement de transition portant sur le retour de la démocratie au Mali et sur l'invitation par le gouvernement de transition des mercenaires russes du groupe Wagner."
Jeppe Kofod, ministre danois des Affaires étrangèresà l'AFP
Instrumentaliser le nationalisme
"Evidemment, dans le contexte des sanctions de la Cédéao, il ne faut pas négliger l'instrumentalisation de ce sentiment antifrançais par les autorités de Bamako qui exacerbent le nationalisme et font de la France le coupable idéal. Sans oublier l'instrumentalisation de la Russie qui veut se faire sa place sur le continent", expliquait sur France24, le spécialiste de l'Afrique Antoine Glazer
A quelques mois de l’élection présidentielle en France, et alors que la Russie menace d’envahir l’Ukraine, Emmanuel Macron se serait bien passé de cette épreuve de force avec la junte malienne. Il n’entend pas prendre de décision précipitée sur un éventuel retrait des forces Barkhane du Mali, alors que plusieurs pays de la région sont au bord de l'effondrement sous la pression jihadiste.
"La junte malienne a rompu ses engagements et multiplie les provocations. Des mercenaires de Wagner sont déployés sur le territoire malien et un coup d'Etat que nous condamnons vient d'avoir lieu au Burkina Faso. Alors, est-ce qu'il faut abandonner la lutte contre le terrorisme ? Non, ce combat est essentiel à notre sécurité", a déclaré le 25 janvier 2022 la ministre des Armées Florence Parly.
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