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Migrants africains séquestrés en Libye: première évacuation organisée par le HCR

25 migrants coincés en Libye ont été évacués au Niger, dans la première opération de ce genre organisée par le Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR). Une goutte d'eau dans un océan de drames: 19.900 migrants vivent enfermés, entassés dans des hangars, d'après les chiffres de l'ONU. Autre signe, le procureur de Palerme a ouvert une procédure judiciaire contre un des pires tortionnaires libyens.
Article rédigé par Michel Lachkar
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Migrants africains bloqués dans la capitale libyenne, vendus et revendus par les passeurs. (AFP/Anadolu Agency )

«La souffrance des migrants détenus en Libye est un outrage à la conscience de l'humanité», affirme  Zeid Ra'ad Al Hussein, le Haut Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme. Cette déclaration intervient alors que 13 pays européens et africains – dont la Libye – réunis en Suisse ont décidé lundi 13 novembre 2017 «d'améliorer les conditions des migrants dans les centres de détention en Libye tout en promouvant des alternatives à cette solution».

Une première évacuation de migrants africains de la Libye vers le Niger a été organisée le 11 novembre 2017 par le HCR. On compte dans cette première exfiltration de personnes «extrêmement vulnérables», 15 femmes et 4 enfants originaires d’Erythrée, d’Ethiopie et du Soudan. Ils seront mis à l'abri et hébergés dans une maison de la capitale nigérienne, le temps que leurs demandes de réinstallation soient examinées.

Exfiltration 
«Nous espérons être en mesure de mener d’autres évacuations à l’avenir», explique dans un communiqué Vincent Cochetel, envoyé spécial du Haut-commissariat de l’ONU pour les réfugiés. Ces évacuations resteront cependant «limitées tant que les engagements en vue de la réinstallation des réfugiés ne sont pas suffisants».

En septembre, le HCR avait lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle s’engage sur 40.000 places de réinstallations supplémentaires pour les réfugiés présents dans 15 pays prioritaires le long de la route de la Méditerranée centrale. Il y a urgence car la situation des migrants africains en Libye est catastrophique, comme l’affirme plusieurs rapports. 

Ces initiatives tardives paraissent très insuffisantes. «La communauté internationale ne peut pas continuer à fermer les yeux sur les horreurs inimaginables endurées par les migrants en Libye et prétendre que la situation ne peut être réglée qu'en améliorant les conditions de détention», a déclaré Zeid Ra'ad Al Hussein, affirmant que «la politique de l'UE consistant à aider les garde-côtes libyens à intercepter et renvoyer les migrants (est) inhumaine».

D'après les chiffres du Département libyen de lutte contre la migration illégale, cités par l'ONU, 19.900 personnes se trouvaient dans ces centres début novembre, contre environ 7.000 à la mi-septembre. Cette forte augmentation des détentions fait suite au blocage des migrants africains dans la ville de Sabratha, ville de l'ouest de la Libye devenue la plateforme de départs des migrants vers l'Europe.

«Les observateurs (de l'ONU) ont été choqués par ce qu'ils ont vu: des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants émaciés et traumatisés, empilés les uns sur les autres, enfermés dans des hangars (...) et dépouillés de leur dignité», explique M.Zeid. Hommes, femmes et enfants détenus dans ces centres ont raconté à l'ONU avoir été battus par les gardes. Les femmes sont violées par les trafiquants d'être humains, mais aussi par les gardes des centres officiels de détention. «Nous ne pouvons pas être un témoin silencieux de l'esclavage des temps modernes», a conclu le Haut-Commissaire, exhortant les autorités libyennes à ne pas détenir les migrants.
           
Enquête judiciaire sur le «général Ali»
Petit signe d’espoir, quelques survivants africains d'une prison clantestine de la ville de Sebha, la plus effrayante du sud de la Libye, ont trouvé le courage de coopérer avec la police et la justice italienne à leur arrivée à Lampedusa. «Ils ont ainsi permis d' identifier certains de leurs ravisseurs, à l’aide de photos clandestines prises de l’intérieur des geôles. Ces éléments de preuves ont été portés à la connaissance du procureur adjoint de Palerme», affirme le quotidien italien La Repubblica.

Sept migrants africains ayant échappé par miracle à l'horreur ont donc réussi à apporter suffisamment d'éléments (photos et témoignages) pour lancer une procédure judiciaire contre leurs tortionnaires. Ils espèrent ainsi pouvoir obtenir l’arrestation du «général Ali», qui fait vivre un calvaire aux migrants africains dans cette prison de Sebha, entourée de barbelés et gardée par des hommes en armes.

En attendant, la pression européenne sur les pays africains pour qu'ils contrôlent leurs frontières se poursuit. Le Niger a annoncé à la réunion dans la capitale suisse avoir réduit de 80% le flux migratoire à Agadez, ville du nord du pays devenue plaque tournante du trafic d’êtres humains.

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