Sierra Leone: l'ombre de la Chine plane sur les élections
16 ans après une terrible guerre civile qui avait fait 120 000 morts, la Sierra Leone savoure la paix retrouvée mais peine à entamer son décollage économique. Une économie entravée, il est vrai, par une épidémie d’Ebola qui a fait 4000 victimes entre 2014 et 2016, et une corruption toujours endémique.
Malgré un retour de la croissance, le président sortant, Ernest Bai Koroma, laisse «un pays miné par l'inflation», souligne l’analyste politique Lansana Gbérie. «Le prix du riz à quintuplé durant son mandat, (la) dette publique (est) en hausse et (le) chômage des jeunes au plus haut», poursuit-il. L'inflation a dépassé les 18% en 2017, après 12% en 2016.
Le bilan de M. Koroma est également assombri par la disparition de millions de dollars destinés à la lutte contre l’épidémie d’Ebola, et par sa mauvaise gestion des inondations qui ont fait plus de 1000 morts en août 2017 dans la périphérie de Freetown, la capitale.
Dans la dépendance de Pékin
Mais le débat qui anime la campagne électorale a porté sur le rôle de la Chine, omniprésente dans l’économie du pays. Une trentaine d’entreprises chinoises, basées à Freetown, finance et construit la quasi-totalité des infrastructures du pays : routes, autoroute, barrages, réseaux d’eau et de télécommunications…
Lors d’un débat télévisé, le candidat du principal parti d’opposition, Julius Maada Bio, a qualifié de «supercheries» la plupart des projets soutenus par Pékin, estimant qu’ils n’apportaient «aucun bénéfice à l’économie du pays et à ses habitants».
Les entreprises chinoises captent, il est vrai, tous les contrats d’infrastructures. Il faut dire que ces groupes, aux coûts imbattables, emploient quelques ingénieurs chinois mais aussi d’anciens prisonniers venus de Chine et peu payés. Ces derniers sont priés de rester dans le pays une fois leur peine terminée, où ils finissent par ouvrir un petit commerce qui importe des productions... chinoises, qui concurrencent le commerce local. Sans parler de la piètre qualité des routes et des bâtiments réalisés, qui finit par se voir.
De son coté, la Chine cherche, en Sierra Leone comme ailleurs en Afrique, à élargir son accès aux matières premières : diamants, fer, bois… Tout en pêchant dans les eaux territoriales sierra léonaises.
Pour autant, la Sierra Leone est dépendante des prêts à faible taux d'intérêt émis par l'ex-Empire du Milieu. Le président sortant faisait presque chaque mois le chemin de Pékin, pour réclamer un nouveau prêt. Il est vrai que la Chine est peu regardante sur la corruption et la mauvaise gouvernance des pays ou elle investit.
Peu d'emplois créés
Les Sierra Léonais reprochent surtout aux entreprises chinoises de faire venir leurs propres travailleurs plutôt que d’employer et de former la main d’œuvre locale. Une dépendance qui empêche l’émergence de véritables entreprises locales.
Simone Datzberger, de la London School of Economics, résume ainsi les relations avec le géant asiatique : «L'investissement chinois en Sierra Leone est incontestablement extrêmement important et peut favoriser la croissance économique globale dans le pays. Cet investissement, cependant, ne mènera pas nécessairement à une création significative d'emplois et à une réduction effective de la pauvreté à long terme.» L'analyse de Simone Datzberger décrit parfaitement l'influence croissante de la Chine dans un pays à faible revenu qui peine à améliorer son économie.
16 candidats sont en lice pour cette quatrième élection présidentielle depuis la fin de la guerre civile. La victoire devrait à nouveau se jouer entre les deux principaux partis qui dominent traditionnellement la vie politique du pays. Un tête-à-tête oppose le candidat du parti au pouvoir (l’APC), Samura Kamara, économiste et ministre des Affaires étrangères, au candidat du SLPP (Parti du peuple de la Sierra Leone), Julius Maada Bio, 53 ans. Un troisième larron pourrait toutefois créer la surprise en la personne de Kandeh Yumkella, ancien homme fort du SLPP qui se présente à la tête d’une nouvelle formation.
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