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Tchad: Idriss Deby renoue les relations diplomatiques avec le Qatar
Après cinq mois de rupture entre le Tchad et le Qatar, la réconciliation menée au pas de charge par le chef de la diplomatie d’Idriss Deby a débouché sur une reprise des relations diplomatiques. Une défection africaine supplémentaire dans le soutien au camp saoudien contre l’émirat gazier. Mais qu’advient-il de l’opposant tchadien Timan Erdimi, réfugié au Qatar, en partie cause de la brouille?
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Une réconciliation express entre N’Djamena et Doha a permis la signature, le 21 février 2018, d’un «mémorandum d’entente» entre les deux capitales consacrant le rétablissement des relations diplomatiques et l’échange immédiat d’ambassadeurs.
Une nouvelle impulsion à la coopération bilatérale, selon N'Djamena
Les choses sont allées très vite, selon RFI, puisque cette reprise a été actée à l’issue de deux allers-retours au Qatar du chef de la diplomatie tchadienne, Mahamat Zene Chérif, entre les 18 et 20 février.
«Je m’en félicite, a aussitôt écrit ce dernier sur son compte Twitter, et espère que cette reprise donnera une nouvelle impulsion à la coopération bilatérale dans l’intérêt de deux pays et de deux peuples.»
Une reprise aussi brusque que la rupture était intervenue, en août 2017. Date à laquelle le Tchad avait fermé son ambassade au Qatar et expulsé les diplomates qataris après l’annonce par plusieurs pays arabes d’un embargo à l’encontre de Doha.
En effet, dès le 5 juin 2017, l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis, l’Egypte et Bahrein avaient rompu leurs relations avec l’émirat gazier accusé de soutenir les groupes islamistes extrémistes et de se rapprocher de l’Iran, en conflit ouvert avec Ryad.
N'Djamena romp avec Doha sous la pression des pétromonarchies
Sous la pression des pétromonarchies, N’Djamena avait rappelé son ambassadeur puis annoncé la rupture, reprochant «l’implication continue de l’Etat du Qatar dans les tentatives de déstabilisation du Tchad depuis la Libye», selon le ministère tchadien des Affaires étrangères.
Une brouille liée officiellement à des accrochages lors du passage, le 18 août 2017, d’un convoi de trafiquants dans le couloir reliant le sud-ouest de la Libye au Darfour soudanais en passant par le territoire tchadien.
«Jusqu’alors, les trafiquants qui rencontraient l’armée tchadienne lors de leur passage sur le territoire se faisaient soit rançonner, soit tentaient de négocier. Cependant, cette fois-ci, les trafiquants, en supériorité numérique, ont riposté, causant la mort de plusieurs soldats de l’armée tchadienne», raconte le chroniqueur du Monde Afrique, Benjamin Baugé.
«Le problème actuel avec le Qatar est un problème bilatéral, ce n’est pas la poursuite de la crise diplomatique née dans les pays du Golfe», avait même expliqué Hissein Brahim Taha, chef de la diplomatie tchadienne du moment.
Le Qatar «protège M.Erdimi, qui est encore là-bas, avait également indiqué le ministre, et M.Erdimi, bien sûr, continue de réunir ses hommes. Il le dit d’ailleurs ouvertement dans la presse, cela a été relayé, que l’UFR (Union des forces de la résistance) s’est réunie et qu’ils essaient de relancer la guerre au Tchad.»
Timan Erdimi, neveu d'Idriss Deby et opposant, au cœur de la brouille
A l'époque, N’djamena réclamait en effet à Doha l’expulsion de Timan Erdimi, un chef rebelle tchadien, exilé depuis fin 2009 dans l’émirat et accusé implicitement d’être lié aux incidents du 18 août en territoire tchadien.
Ancien directeur de cabinet et neveu d’Idriss Deby à la fois, Timan Erdimi était également le chef du parti d’opposition de l’Union des forces de la résistance, basé au Soudan d’où il organisait la rébellion contre le pouvoir tchadien. Son exil au Qatar avait pourtant été décidé en accord avec N’Djamena.
L’instrumentalisation politique d'incidents relevant plutôt du grand banditisme avait permis à Idriss Deby de se poser en meilleur allié africain des Etats du Golfe, et en particulier des Emirats arabes unis.
Ces derniers ont d’ailleurs largement contribué, un mois plus tard, à mobiliser la Banque Islamique de développement, l’Opep et la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea), en faveur du Tchad.
Ces organismes avaient promis conjointement une aide d’un milliard et demi d’euros pour soutenir le plan quinquennal (2017-2021) de développement au Tchad.
Une réconciliation «de raison»
Avec le Niger, la Mauritanie et le Sénégal, le Tchad faisait partie d’un petit groupe de pays africains à avoir rompu avec le Qatar, sous la pression politique et financière du camp saoudien.
Cette reprise des relations avec l’émirat qatari, placé sous embargo par ses voisins du Golfe, avait été précédée par celle de Dakar, qui a réinstallé son ambassadeur à Doha dès le mois d’août.
A N’djamena, on parle d’une réconciliation «de raison», rapporte RFI. Elle intervient à un moment où «le pays, qui traverse une période difficile, préfère avoir de son côté l’émirat, dont l’influence dans le jeu politico-sécuritaire au Sahel et au Sahara est certaine», estime encore Radio France International.
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