Cet article date de plus de sept ans.

Récit franceinfo Soudan du Sud : pris entre la guerre civile et la famine, des réfugiés racontent l'enfer

Dans les camps de réfugiés en Ouganda, les Sud-soudanais racontent l'horreur de la guerre civile dans leur pays et accusent l'armée d'exactions.

Article rédigé par Olivier Poujade, franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
A la frontière entre le Soudan du Sud et l'Ouganda, en mars 2017. Une fois que les réfugiés ont passé la frontière à pied, ils sont emmenés en bus vers des camps. (Gilles Gallinaro / Radio France)

Le 23 mars 2017, le Conseil de sécurité de l'ONU s’est dit "profondément inquiet" de la dégradation de la situation humanitaire et de la famine au Soudan du Sud. Cinq ans après son indépendance, en 2011, le Soudan du Sud est en proie à une violente guerre civile. Le conflit s'est intensifié en juillet 2016. Près d'un million de personnes ont trouvé refuge dans le nord de l'Ouganda.

Olivier Poujade, l'envoyé spécial de franceinfo en Ouganda, a rencontré plusieurs de ces réfugiés, dont de nombreux habitants de Yei (sud), l’un des bastions de la rébellion. Ces derniers ont traversé à pied la cinquantaine de kilomètres qui les séparent de la frontière ougandaise, pour fuir les troupes du président Salva Kiir.

Harriye et Jany sont arrivées il y a quelques jours en Ouganda, conscientes d'avoir échappé à l'horreur. "Tu fais un kilomètre, tu trouves des morts. On avait même peur de les compter. Il y en avait dix, peut être vingt... Tu fais 500 mètres de plus, tu en trouves d'autres, parfois décapités. On ne trouvait que les corps", explique Jany.

Ils venaient de découper d'autres hommes. Ils les avaient égorgés comme des chèvres. Alors on s'est couchées par terre, j'ai fait semblant d'être morte. Je n'ai jamais vu un truc pareil.

Harriye, une réfugiée sud-soudanaise

à franceinfo

Harriye a vu des soldats violer une femme sous ses yeux. "Ils lui ont dit, 'si tu commences à crier, on te plante le couteau dans la gorge', raconte cette réfugiée. Une fois que le premier avait terminé, un autre se mettait sur elle et ils ont enchaîné jusqu'à ce qu'elle meure. Une femme, cinq hommes." 

L'armée accusée d'exactions

Harriye assure que les hommes qu'elle a vu sont ceux du président sud-soudanais Salva Kiir, des hommes de la même ethnie, l’ethnie Dinka. Ils sillonnent les campagnes, incendient les maisons et obligent les civils à quitter leur terre. C'est la raison pour laquelle la région d’Equatoria Centrale (sud) se vide de ses habitants. 

Quand les Dinka sont arrivés, ils nous ont demandé où étaient les armes et l'opium. Les soldats fument sûrement pour se sentir plus fort et pouvoir tuer les gens froidement.

Un réfugié sud-soudanais

à franceinfo

Selon l'Unicef, 17 000 enfants soldats ont été enrôlés au Soudan du Sud depuis le début du conflit en 2013. "J'ai fui parce que je pensais que j'allais être recruté, raconte Mark, 17 ans, je suis encore un adolescent, je dois encore aller à l'école."

Quand les soldats du gouvernement entrent dans les villes, ils recrutent.

Mark, 17 ans, réfugié sud-soudanais

à franceinfo

L'armée du gouvernement s'oppose aux troupes rebelles du vice-président Riek Machar. Pour franceinfo, Olivier Poujade a pu rencontrer le commandant des rebelles qui contrôlent l'un des postes-frontières. "Ici, il y a des civils qui sont avec nous dans la brousse et qui souffrent, assure le commandant encadré par une vingtaine d'hommes armés. Ils manquent de médicaments, de nourriture. Ils meurent ici, sur leurs propres terres."

Apporter de l'aide aux civils est un problème parce que le gouvernement accusera les agences humanitaires de soutenir les rebelles. 

Un commandant rebelle

à franceinfo

Si aucun des réfugiés interrogés n'accusent les rebelles d'exactions, il est difficile de vérifier la nature de leurs opérations dans le pays : le Soudan du Sud est difficilement accessible, le gouvernement vient de fixer le prix du visa de travail à 10 000 dollars et, récemment, plusieurs journalistes et humanitaires étrangers ont été expulsés.

Ce conflit qui a déjà fait des dizaines de milliers de morts et plus de trois millions de déplacés profite aussi à des bandes armées qui cherchent à tirer profit du chaos.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.