Présidentielle en RDC : "L'Eglise a intérêt à ne pas mettre de l'huile sur le feu", avertit un analyste
Le scénario a surpris les Congolais et au-delà des frontières de la RDC. Deux opposants au président Kabila, Félix Tshisekedi et Martin Fayulu, sont arrivés en tête de la présidentielle du 30 décembre 2018. Des résultats contestés dans la foulée, y compris par l’Eglise.
Et maintenant, que va faire l’Eglise catholique ? C’est la question que se posent de nombreux Congolais, alors que deux opposants au président Kabila, Félix Tshisekedi, proclamé vainqueur avec 38,57% des suffrages, et Martin Fayulu, arrivé en deuxième position, avec 34,8%, se disputent le fauteuil présidentiel. A Kinshasa, le porte-parole de la conférence épiscopale a fourni une première réponse.
"Nous constatons que les résultats de l’élection présidentielle tels que publiés par la Commission électorale indépendante, ne correspondent pas aux données collectées par notre mission d’observation à partir des bureaux de vote et de dépouillement", a-t-il annoncé au cours d’une conférence de presse.
Le 4 janvier, la puissante conférence épiscopale congolaise (Cenco) avait indiqué qu'elle connaissait le nom du vainqueur de cette élection. Elle avait demandé à la Commission électorale (Céni) de proclamer les résultats dans "la vérité et la justice". Jusqu’à présent, elle s’est gardée de révéler le nom de ce candidat, qui n’est donc pas Félix Tshisekedi.
"Peu importe le vainqueur, l'opposition a gagné"
"Les Congolais qui aspiraient au changement ont eu ce qu’ils voulaient", explique à franceinfo Afrique Fidel Bafilemba, membre de la société civile et coordinateur du groupe d’appui à la traçabilité et la transparence dans la gestion des ressources naturelles au Congo. "Ils se battaient depuis des années pour écarter du pouvoir Joseph Kabila. Que ce soit Félix Tshisekedi ou Martin Fayulu, peu importe, ils ont obtenu ce qu’ils voulaient sans le bain de sang tant redouté", constate-t-il.
"L'Eglise n'a pas d'autre choix"
Y a-t-il eu un deal entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila pour organiser sa victoire, comme l’affirme le candidat malheureux ? Fidel Bafilemba ne l’écarte pas. Mais il estime que l’église catholique qui remet en cause le résultat des urnes a intérêt à ne pas mettre de l’huile sur le feu.
"Il est vrai que l’église a une grande autorité morale sur la population. Mais aujourd’hui, elle n’a d’autres choix que de se ranger derrière ce verdict. Elle n’a aucune autre marge de manœuvre. Et je ne la vois pas proclamer Martin Fayulu comme le vainqueur de ce scrutin, au risque de provoquer un nouveau bain de sang dans le pays."
Devant l’échec patent du candidat de la majorité présidentielle, la victoire de Félix Tshisekedi constitue un moindre mal pour Joseph Kabila, estime Fidel Bafilemba. Il explique à franceinfo Afrique qu’il était inconcevable pour Joseph Kabila de céder sa place à ses adversaires les plus farouches et notamment ceux qui le combattent depuis l’étranger.
"Soyons réalistes. Vous pensez que Kabila a organisé des élections et qu’il a mis tous les moyens pour donner la victoire à Martin Fayulu ? Cela aurait signifié qu’il offrait la victoire ipso facto à ses frères ennemis Moïse Katumbi et Jean Pierre Bemba qui ont soutenu la campagne du candidat malheureux", analyse-t-il.
Nous avons versé suffisamment de sang. L'Eglise a intérêt à faire profil bas
Fidel Bafilemba, membre de la société civile congolaiseA franceinfo Afrique
Désigner Martin Fayulu comme le vainqueur sorti des urnes serait une faute lourde pour la puissante église catholique, tranche Fidel Bafilemba. Il redoute que cela ne déclenche un bain de sang qui plongerait le pays dans une profonde crise. Avec le risque de voir la RDC éclater et tomber à nouveau entre les mains d’anciens chefs de guerre.
Si les évêques congolais ont contesté les résultats, ils se sont gardés d’avancer le nom de celui qu’ils pensent avoir gagné. Ils ont officiellement pris acte de la publication des résultats qui, pour la première fois, ouvrent la voie à l’alternance historique. Mais comme l’indique l’AFP, cette alternance peut vite se transformer en un partage des pouvoirs négocié avec le président sortant Joseph Kabila, selon les premières expertises et analyses.
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