RDC : le président Tshisekedi sur le point de rompre l'accord de "cogestion du pouvoir" passé avec Joseph Kabila
Deux ans auront suffi pour faire éclater au grand jour les différends qui minent la fragile coalition entre l'ex-président Joseph Kabila et son successeur Félix Tshisekedi. Ce dernier appelle désormais à de nouvelles alliances politiques.
Officiellement, l'accord de "cogestion" du pouvoir passé entre le président congolais Félix Tshisekedi et son prédécesseur Joseph Kabila n'a pas été dénoncé par ses signataires. Mais cela ne saurait tarder depuis que le chef de l'Etat a décidé d'entamer des consultations pour constituer de nouvelles alliances autour de son programme. Il veut mettre fin au bras de fer qui l'oppose aux pro-Kabila avec qui il cohabite depuis deux ans. Dans un message télévisé, il a déploré solennellement "les divergences profondes" qui l'opposent à ses partenaires. Pour lui, il est grand temps de remettre les pendules à l'heure. Des consultations politiques ont donc débuté à Kinshasa avec d'éventuels nouveaux alliés.
Ces consultations visent la refondation de l'action gouvernementale autour des principes de participation à la gestion du pays. A l'issue de celles-ci, je vous ferai le point de mes décisions qui n 'excluraient aucun cas de figure
Félix Tshisekedi, président de la RDCdans un message télévisé à la nation le 23 octobre 2020
Non à la domination d'un seul groupe politique
Pourquoi négocier de nouvelles alliances politiques ? Parce que le président Tshisekedi veut s'assurer du contrôle de l'Assemblée nationale où son parti est très faiblement représenté. Comme le souligne le quotidien belge La Libre Afrique, le défi est de taille pour le chef de l'Etat congolais, étant donné le rapport de force institutionnel qui lui est défavorable.
"On sait que le Front Commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila dispose de 341 sièges sur les 500 de l'hémicycle, pour 47 sièges à la plateforme de Tshisekedi et 112 à l'opposition. Pour renverser la majorité kabiliste, il faut non seulement accaparer toute l'opposition, mais aussi retourner près d'une centaine de voix du FCC", analyse notre confrère.
Dans son message à la nation, le président Félix Tshisekedi a été clair. "Il n'est pas admissible que les grandes questions du pays soient laissées à la merci d'un seul groupe politique", a-t-il martelé. Il faisait référence à ses partenaires de la majorité parlementaire réunis autour de l'ancien président Joseph Kabila. Ils dominent presque tous les leviers institutionnels : l'Assemblée nationale, le Sénat et le gouvernement.
Polémique autour de la Cour constitutionnelle
Avant d'engager ses consultations pour trouver de nouveaux alliés, le président Félix Tshisekedi a tenu à s'assurer du soutien de la très stratégique Cour constitutionnelle. Il a nommé par ordonnance, trois nouveaux membres au sein de cette institution, malgré l'opposition de ses partenaires du Front Commun pour le Congo. Joseph Kabila et les siens estiment que ces nominations sont nulles et non avenues. Ils accusent le chef de l'Etat congolais d'avoir fait "le choix délibéré de violer la Constitution" à travers "un passage en force".
Désormais, le président peut compter sur le soutien de cinq juges sur les neuf que compte la Cour constitutionnelle. Cette institution dispose non seulement du pouvoir de valider ou d'invalider les candidatures à la présidentielle et les résultats du scrutin, mais elle est aussi le juge pénal du chef de l'Etat en cas d'accusation pour haute trahison.
Des réserves de la puissante église catholique
L'initiative du président Tshisekedi a été saluée par une partie de l'opposition et de la société civile congolaise. Mais elle a suscité des réserves, notamment de la part de la puissante église catholique du pays qui craint qu'elle ne soit un prétexte pour un nouveau partage du pouvoir.
Si c'est pour partager le pouvoir et oublier encore une fois le peuple, personne ne l'acceptera
Abbé Donatien Nshole, secrétaire général de la Conférence épiscopaleà Actualité.cd
La Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) se réjouit toutefois que le président "soit déjà conscient que les choses ne vont pas bien". Les évêques du Congo avaient déjà décrié les querelles intestines entre le Front Commun pour le Congo de Joseph Kabila et la plateforme CACH du président Félix Tshisekedi, dont la coalition gouverne le pays depuis deux ans.
A Kinshasa, les observateurs jugent improbable le pari du chef de l'Etat de constituer une nouvelle majorité politique au terme de ces consultations. Reste à savoir si, en cas d'échec, Félix Tshisekedi ira jusqu'à la dissolution de la chambre basse du parlement. Le chef de l'Etat affirme en tout cas qu'il n'exclut aucun cas de figure. Les Congolais devraient alors retourner aux urnes pour élire un nouvelle majorité parlementaire.
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