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Les 100 jours du génocide rwandais
Vingt ans après le génocide au Rwanda, Pascal Simbikangwa, ex-officier rwandais, est jugé à Paris pour son rôle dans le drame qui a débuté par un attentat contre l’avion du président hutu, Juvenal Habyarimana. C’est la première fois qu’un tel procès a lieu en France, souvent accusée d’avoir soutenu le régime à l’origine des massacres. Retour sur une période qui a des répercussions de nos jours.
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Temps de lecture : 6min
(Papier initialement mis en ligne le 5 avril 2013)
Le 6 avril 1994, le président rwandais, au pouvoir depuis 1973, rentre d'un sommet régional en Tanzanie. A ses côtés, dans l’avion (à l’équipage français), le président hutu burundais Cyprien Ntaryamira, qui ne sera resté au pouvoir que deux mois. Leur avion explose tout près de l’aéroport de Kigali.
Le flou persiste autour de l’attentat
Des circonstances encore inexpliquées : l’actuel gouvernement de Kigali a toujours démenti avoir été à l’origine de l’attentat, soutenant que les tirs ayant touché l’avion présidentiel sont partis du camp militaire de Kanombe, importante base des Forces armées rwandaises, loyalistes et composées essentiellement de Hutus, jouxtant l'aéroport et la résidence présidentielle au sud-est.
Une enquête menée en France par le juge Trividic semble le confirmer et blanchir le clan Kagame. Récusant celle du juge Bruguière qui accréditait la thèse d’une attaque de la rébellion tutsie du Front patriotique rwandais.
Juvenal Habyarimana ouvert au dialogue ?
Une thèse soutient que les extrémistes hutus refusaient les efforts de Juvenal Habyarimana pour instaurer un dialogue avec la rébellion tutsie.
Le président rwandais, autocrate longtemps soutenu par la France, avait, semble-t-il, été influencé par le discours de La Baule en juin 1990, qui avait mis l’accent sur l’importance de la démocratie dans les pays du Sud, garante de leur développement. Dès juillet 1990, Juvenal Habyarimana avait annoncé vouloir modifier la Constitution en vue d’ouvrir le Rwanda au multipartisme.
L’attentat met le feu aux poudres
Quoi qu’il en soit, la mort de Juvenal Habyarimana est le prétexte au déclenchement de massacres orchestrés dès le lendemain par des extrémistes hutus dans la capitale rwandaise et dans tout pays. Ces hommes armés, issus de l’ancien parti unique du président Habyarimana et des Forces armées rwandaises, sont organisés en milices depuis 1992.
Les miliciens, appelés interahamwe («les solidaires»), traquent dès lors ceux qu’ils appellent les «cancrelats», autrement dit les Tutsis. Sans oublier les Hutus modérés de l’opposition.
Un génocide planifié
Les tueries planifiées durant les mois, voire les années qui précèdent, sont rendues possibles grâce à l’armée rwandaise qui entraîne les miliciens. Avec la bénédiction des autorités. D’ailleurs, il n’est pas rare de voir des policiers ou des membres du gouvernement participer ensuite aux expéditions punitives.
La station de radio des Mille Collines relaie elle aussi les appels à la haine. Depuis l'automne 1993, elle distille une campagne de propagande haineuse contre les Tutsis et les membres des partis politiques démocrates.
La pauvreté comme terreau de la violence
Avant ces événements, le Rwanda connaissait une période de grande pauvreté due à la dégradation de l’environnement dans un contexte d’accroissement de la population et de tensions liées à la survie au quotidien.
Déjà en proie à des violences intercommunautaires, le pays vit au rythme des flux migratoires. L’arrivée massive de réfugiés dans les camps autour de Kigali où une jeunesse désœuvrée est en quête de sens (les milices y recrutent le gros de leurs troupes)… sont autant d’éléments qui font le lit des génocidaires.
Dans un Rwanda, régit par une économie de guerre, les Tutsis deviennent tout naturellement les boucs-émissaires d'une situation de crise.
Les Tutsis et Hutus appartiennent à la même tribu. Mais les premiers sont éleveurs et font partie de la noblesse (14% des Rwandais), donc de l'élite, les seconds sont agriculteurs (85%).
Des rapports alarmants dès le début des années 90
Des massacres de Tutsis alertent l’opinion internationale dès 1991-1992. En 1993, un rapport de la FIDH emploie déjà le mot de «génocide» et dénonce «des perspectives graves» pour le pays. Les autorités sont montrées du doigt.
Le 27 mars 1992, l'ambassadeur de Belgique au Rwanda, Johan Swinnen, décrit Pascal Simbikangwa (renvoyé en avril 2013 devant les assises de Paris pour «complicité de génocide»), comme le membre «d'un état-major secret chargé de l'extermination des Tutsis du Rwanda afin de résoudre définitivement à leur manière, le problème ethnique au Rwanda et d'écraser l'opposition hutue intérieure»…
En cent jours, d’avril à juillet 1994, les tueries font plus de 800.000 victimes (90% des Tutsis du Rwanda sont tués). 1,2 million de personnes fuient au Kivu, dans l'est du Zaïre (devenue la RDC).
La guérilla tutsie entre en lice
Dans le même temps, à partir d'avril 1994, la guérilla tutsie du Front patriotique rwandais, formée dans les années 80 par des exilés rwandais en Ouganda, intervient. Elle était entrée de force au Rwanda au début des années 90 après l’échec de négociations sur le retour des exilés au pays.
Ses bases arrière se trouvent en Ouganda. Les rebelles, avec à leur tête l’actuel président rwandais Paul Kagame, sont soutenus par le président ougandais Yoweri Museveni.
Le 4 juillet, après trois mois de combats, ils entrent dans Kigali et renversent le régime hutu. Le reste du pays tombe. Cette fois, ce sont des milliers de Hutus qui fuient dans les pays voisins.
Un nouveau gouvernement à Kigali
Le 17 juillet, un gouvernement d'unité nationale, consacrant la victoire politique du Front patriotique rwandais, est mis en place. Pasteur Bizimungu, un Hutu modéré, devient président, et le Tutsi Paul Kagamé, vice-président.
Une assemblée nationale de transition entre en fonction le 24 juillet. C'est la fin des tueries.
Le 6 avril 1994, le président rwandais, au pouvoir depuis 1973, rentre d'un sommet régional en Tanzanie. A ses côtés, dans l’avion (à l’équipage français), le président hutu burundais Cyprien Ntaryamira, qui ne sera resté au pouvoir que deux mois. Leur avion explose tout près de l’aéroport de Kigali.
Le flou persiste autour de l’attentat
Des circonstances encore inexpliquées : l’actuel gouvernement de Kigali a toujours démenti avoir été à l’origine de l’attentat, soutenant que les tirs ayant touché l’avion présidentiel sont partis du camp militaire de Kanombe, importante base des Forces armées rwandaises, loyalistes et composées essentiellement de Hutus, jouxtant l'aéroport et la résidence présidentielle au sud-est.
Une enquête menée en France par le juge Trividic semble le confirmer et blanchir le clan Kagame. Récusant celle du juge Bruguière qui accréditait la thèse d’une attaque de la rébellion tutsie du Front patriotique rwandais.
Juvenal Habyarimana ouvert au dialogue ?
Une thèse soutient que les extrémistes hutus refusaient les efforts de Juvenal Habyarimana pour instaurer un dialogue avec la rébellion tutsie.
Le président rwandais, autocrate longtemps soutenu par la France, avait, semble-t-il, été influencé par le discours de La Baule en juin 1990, qui avait mis l’accent sur l’importance de la démocratie dans les pays du Sud, garante de leur développement. Dès juillet 1990, Juvenal Habyarimana avait annoncé vouloir modifier la Constitution en vue d’ouvrir le Rwanda au multipartisme.
L’attentat met le feu aux poudres
Quoi qu’il en soit, la mort de Juvenal Habyarimana est le prétexte au déclenchement de massacres orchestrés dès le lendemain par des extrémistes hutus dans la capitale rwandaise et dans tout pays. Ces hommes armés, issus de l’ancien parti unique du président Habyarimana et des Forces armées rwandaises, sont organisés en milices depuis 1992.
Les miliciens, appelés interahamwe («les solidaires»), traquent dès lors ceux qu’ils appellent les «cancrelats», autrement dit les Tutsis. Sans oublier les Hutus modérés de l’opposition.
Un génocide planifié
Les tueries planifiées durant les mois, voire les années qui précèdent, sont rendues possibles grâce à l’armée rwandaise qui entraîne les miliciens. Avec la bénédiction des autorités. D’ailleurs, il n’est pas rare de voir des policiers ou des membres du gouvernement participer ensuite aux expéditions punitives.
La station de radio des Mille Collines relaie elle aussi les appels à la haine. Depuis l'automne 1993, elle distille une campagne de propagande haineuse contre les Tutsis et les membres des partis politiques démocrates.
La pauvreté comme terreau de la violence
Avant ces événements, le Rwanda connaissait une période de grande pauvreté due à la dégradation de l’environnement dans un contexte d’accroissement de la population et de tensions liées à la survie au quotidien.
Déjà en proie à des violences intercommunautaires, le pays vit au rythme des flux migratoires. L’arrivée massive de réfugiés dans les camps autour de Kigali où une jeunesse désœuvrée est en quête de sens (les milices y recrutent le gros de leurs troupes)… sont autant d’éléments qui font le lit des génocidaires.
Dans un Rwanda, régit par une économie de guerre, les Tutsis deviennent tout naturellement les boucs-émissaires d'une situation de crise.
Les Tutsis et Hutus appartiennent à la même tribu. Mais les premiers sont éleveurs et font partie de la noblesse (14% des Rwandais), donc de l'élite, les seconds sont agriculteurs (85%).
Des rapports alarmants dès le début des années 90
Des massacres de Tutsis alertent l’opinion internationale dès 1991-1992. En 1993, un rapport de la FIDH emploie déjà le mot de «génocide» et dénonce «des perspectives graves» pour le pays. Les autorités sont montrées du doigt.
Le 27 mars 1992, l'ambassadeur de Belgique au Rwanda, Johan Swinnen, décrit Pascal Simbikangwa (renvoyé en avril 2013 devant les assises de Paris pour «complicité de génocide»), comme le membre «d'un état-major secret chargé de l'extermination des Tutsis du Rwanda afin de résoudre définitivement à leur manière, le problème ethnique au Rwanda et d'écraser l'opposition hutue intérieure»…
En cent jours, d’avril à juillet 1994, les tueries font plus de 800.000 victimes (90% des Tutsis du Rwanda sont tués). 1,2 million de personnes fuient au Kivu, dans l'est du Zaïre (devenue la RDC).
La guérilla tutsie entre en lice
Dans le même temps, à partir d'avril 1994, la guérilla tutsie du Front patriotique rwandais, formée dans les années 80 par des exilés rwandais en Ouganda, intervient. Elle était entrée de force au Rwanda au début des années 90 après l’échec de négociations sur le retour des exilés au pays.
Ses bases arrière se trouvent en Ouganda. Les rebelles, avec à leur tête l’actuel président rwandais Paul Kagame, sont soutenus par le président ougandais Yoweri Museveni.
Le 4 juillet, après trois mois de combats, ils entrent dans Kigali et renversent le régime hutu. Le reste du pays tombe. Cette fois, ce sont des milliers de Hutus qui fuient dans les pays voisins.
Un nouveau gouvernement à Kigali
Le 17 juillet, un gouvernement d'unité nationale, consacrant la victoire politique du Front patriotique rwandais, est mis en place. Pasteur Bizimungu, un Hutu modéré, devient président, et le Tutsi Paul Kagamé, vice-président.
Une assemblée nationale de transition entre en fonction le 24 juillet. C'est la fin des tueries.
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