Paul Kagame, un chef d'Etat autoritaire féru de nouvelles technologies
Article intitialement publié le 12 janvier 2012.
Homme fort du Rwanda, ayant pris le pouvoir dans ce pays d’Afrique centrale en 1994, au lendemain du génocide, Paul Kagame est décrit comme une personnalité hors du commun. Aujourd’hui, il fait face à des critiques sur l'état de la démocratie dans son pays et sur sa volonté de museler la presse comme l'opposition.
Difficile de cerner cet homme longiligne et austère dont on connaît peu de chose, si ce n’est qu’il est anglophone, aime le tennis et le football, et dont les collaborateurs louent un franc-parler assez peu diplomatique.
Né en 1957 dans la région de Gitarama, à l'ouest du Rwanda, Paul Kagame est marqué dans sa prime jeunesse par les antagonismes entre majorité hutue et minorité tutsie dont il fait partie. Il connaît l’exil en Ouganda à l’âge de trois ans. Sa famille fuit pour échapper les massacres orchestrés par des Hutus.
Jeune homme, il s’engage en Ouganda auprès des fidèles du futur président Yoweri Museveni qui le portent au pouvoir en 1986. Après avoir été formé dans des écoles militaires aux Etats-Unis et à Cuba, Paul Kagame lance au début des années 1990 le Front patriotique rwandais (FPR) depuis l'Ouganda avec d'autres exilés tutsis rwandais. Pour ses frères d'armes de l'époque, il ne faut pas se fier à ses manières policées, Kagame a tout d'un chef militaire à poigne.
Il a 36 ans en 1994 quand, à la tête du FPR fort de 14.000 hommes, il chasse les extrémistes hutus du Rwanda. 40.000 soldats et plus de deux millions de civils hutus s’enfuient alors au Burundi, en Tanzanie et au Zaïre (actuelle RDC).
Le génocide est terminé. Plus de 800.000 personnes ont été tuées entre avril et juillet 1994, essentiellement dans la minorité tutsie et hutue modérée.
Il mène tambour battant le développement du Rwanda
S’il devient ensuite vice-président et ministre de la Défense, c’est lui qui dirige le pays. Paul Kagame est élu président en 2003 avec 95% des voix, réélu en 2010 avec 93%. Services, nouvelles technologies et modernisation de l'agriculture font partie de son programme volontariste de relance de l’économie qu’il conduit avec le soutien international.
Les économistes applaudissent ses réalisations. Michael Fairbanks, un collaborateur américain, membre du cercle restreint d'universitaires et d’experts internationaux qui le conseillent dans sa stratégie de développement, dit de lui qu’il a compris que «la pauvreté est due à l'exclusion des réseaux internationaux du commerce, de l'investissement et du savoir-faire».
Gérard Prunier, un universitaire français qui voit en lui un formidable animal politique, relève «l'intelligence» mais aussi «l'impitoyable détermination» du dirigeant.
Ses soutiens se fragilisent
Depuis sa réélection, les Etats-Unis le battent froid en raison de la situation des droits de l’Homme au Rwanda. Motif: leur «inquiétude en raison d'une série d'événements dérangeants» dont «l'arrestation de journalistes (...) et l'interdiction faite à deux partis d'opposition de prendre part à l'élection».
Remarque du spécialiste français du Rwanda, André Gichaoua, lors de la venue en France de Kagame en septembre 2011: «A chaque fois que le Rwanda est en difficulté, que s'éloignent ses puissants soutiens anglo-saxons, il redécouvre la France» avec laquelle les relations sont conflictuelles notamment à propos des responsabilités du génocide. Selon lui, «le président Kagame est fragilisé et de plus en plus isolé au sein même du FPR».
Moins de corruption mais du népotisme
Classé 4e dans la liste des pays les moins corrompus d’Afrique par l’ONG Transparency International en décembre 2011, le Rwanda pointait 111e en 2007. Pour en arriver là, Paul Kagame a fait le ménage dans le clan de ses anciens alliés politiques, condamnant plusieurs ministres, membres du parlement et hauts fonctionnaires. D’aucuns y voient un moyen d’écarter ceux qui risquaient de lui faire de l'ombre.
Autre point noir : les proches de Kagame et les dirigeants du FPR sont aux manettes dans une partie du secteur bancaire, des plantations de thé et des firmes d'exportation de café, de tabac et de minerais.
Si l'insécurité régionale, les dissensions au sein de l'élite au pouvoir et la répression politique menacent le climat des investissements, il n'empêche : la stabilité et la forte croissance économique du Rwanda restent les principaux atouts du dirigeant. Et Kagame de balayer les critiques extérieures. Son argument : la communauté internationale n'a pas empêché le génocide de 1994.
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