Bénin : ces funérailles de prestige qui ruinent tant de familles
Certaines familles aisées n’hésitent pas à investir des dizaines de milliers d’euros dans les funérailles de leurs parents et proches. Des sommes colossales englouties dans l’organisation de réceptions extravagantes, d’accoutrements funèbres ruineux et de gadgets de toutes sortes pour marquer les esprits.
Le député béninois, Nazaire Sado, interpelle ses compatriotes pour arrêter les dégâts. Il a proposé à l’Assemblée nationale un projet de loi qui vise à encadrer ces dépenses.
«Aujourd’hui, on parle de 40% de taux de pauvreté au Bénin. Dans un tel contexte, on ne peut pas tolérer que des gens investissent 50 millions de francs CFA (75.000 euros) parce qu’ils sont riches. Il s’agit d’une loi qui soutient les pauvres. Il faut qu’on cesse l’exhibitionnisme dans notre pays», s’insurge le parlementaire au micro de radio Bénin.
VOA - Une proposition de loi limitant les dépenses pendant les funérailles et fêtes au Bénin @Afropages https://t.co/odBuNJQSiT pic.twitter.com/5HhDFyKlmH
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— Afropages (@Afropages) August 9, 2017
«Pourquoi faut-il investir sur les morts?»
Le texte de son projet de loi fixe à 500.000 Francs CFA (770 euros), le montant maximum pour les funérailles. Il proscrit toute consommation de boissons alcoolisées pendant les réceptions où seule l’eau doit être autorisée. Pour les contrevenants, il propose des amendes qui peuvent aller jusqu’à un million de francs CFA (1500 euros) et des peines de prison allant jusqu’à 6 mois.
«Quelle est cette société qui ne sait pas avancer ? Vendre ses parcelles pour investir dans les morts, au lieu de les vendre pour investir dans les études des enfants. On dit que c’est culturel. Quelle est cette culture qui demande d’investir sur les morts et non sur les vivants?», s’interroge Nazaire Sado.
«La folie des grandeurs»
Pour recevoir leurs invités après l’enterrement, certaines familles béninoises ne reculent devant rien. Des bœufs, des porcs et des moutons sont achetés à grands frais. C’est le moment de démontrer leur puissance financière et l’étendue de leurs relations, constate le quotidien béninois Fraternité.
Dans une tribune publiée par le journal l’Evénement Précis, le Béninois Philippe AKodjenou s'indigne:
«Comme si la nourriture et les boissons servies ne suffisaient pas, nos compatriotes ont inventé une autre folie. Il s’agit des gadgets des funérailles. Que cherche-t-on en distribuant aux hôtes des assiettes, des verres, des porte-clés, des éventails, des glacières, des sacs à main…à l’effigie d’un parent défunt ? ».
Il dénonce les obsèques qui ont désormais pour synonymes fêtes et réjouissances qui durent parfois plusieurs semaines, et peu importe le prix.
«On dirait que la mort enfante la joie dans les cœurs et donne spontanément lieu aux réjouissances et à la folie. Les Béninois, toutes couches sociales confondues, se laissent de plus en plus gagner par une folie collective quand un des leurs meurt».
Philippe Akodjenou raconte ensuite comment certains corps des défunts sont conservés à la morgue pendant de longs mois en attendant de réunir les fonds pour les obsèques.
«Il y en a beaucoup qui n’ont pas besoin de passer par la morgue avant d’être inhumés. Cependant, on les y place pendant de longs mois dans l’absurde souci de s’endetter autant qu’on le peut pour rassembler les moyens à gaspiller pendant les funérailles», expliique-t-il.
Pas question de maintenir le statut quo
Des dettes ruineuses que dénonce le député béninois Nazaire Sado, initiateur du projet de loi qui a été déposé au parlement. Mais sa démarche est loin de faire l’unanimité dans le pays. Ses détracteurs lui reprochent de vouloir réguler une tradition ancrée dans la société béninoise et d’instaurer une société à double vitesse : «une première qui est légale, juridique et une deuxième qui est sociale» redoute le sociologue Dodji Amouzouvi sur radio Bénin.
Le sujet fait l’objet d’une vive polémique dans la société béninoise en attendant qu’il soit débattu par les parlementaires béninois.
Le député Nazaire Sado se dit confiant. Il pense que ses collègues vont donner leur accord. Quoi qu’il en soit, il se dit prêt à discuter son texte pour en extraire ce qui n’est pas bon. Mais pour lui, il n’est plus question de maintenir le statut quo sur cette question épineuse.
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