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Burkina Faso : les jihadistes cherchent à allumer un conflit religieux

Ciblés pour la première fois par de multiples attaques dans les églises, les chrétiens du Burkina Faso sont aux abois. Ils ont le choix entre renier leur foi ou être exécutés par les terroristes.

Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié
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La cathédrale de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, pays qui compte 35% de chrétiens. (ROY PHILIPPE / HEMIS.FR)

Le premier vice-président de l’Assemblée nationale du Burkina Faso, Bénéwendé Stanislas Sankara, en est convaincu : les attaques qui se sont multipliées ces dernières semaines contre les églises de son pays, et qui n’ont pas été revendiquées, portent bien la signature des jihadistes. Le doute n’est plus permis, il y a une manipulation qui consiste à opposer l’islam au christianisme, a-t-il confié à franceinfo Afrique. 

"Il ne faut pas se voiler la face et se cacher derrière l’hypocrisie des mots en refusant de voir la réalité. Les assaillants demandent aux chrétiens de se convertir à l’islam. Ils veulent imposer l’enseignement en arabe ou demandent de fermer les écoles parce qu’elles ne servent à rien. Cela nous amène purement et simplement à croire qu’il s’agit d’un terrorisme religieux qui peut être attribué au jihad islamique", observe-t-il.

Nous sommes devenus des cibles, c'est clair. Les terroristes visent les célébrations religieuses. Mais nous ne fuirons pas

Justin Kientega, évêque du diocèse de Ouahigouya

au journal "Le Monde"

Des tueries en pleine messe dominicale

Depuis le mois de mai, au moins cinq attaques ont ciblé des chrétiens faisant plusieurs victimes. L’irruption d'une vingtaine d'hommes armés en pleine messe dominicale dans l’église de Dablo, dans le nord du pays, a particulièrement marqué les esprits. L’attaque perpétrée le 12 mai2019 a fait six morts, dont un prêtre qui célébrait la messe. Depuis, la liste des victimes, froidement exécutées, ne cesse de s’allonger.

Selon plusieurs témoignages, les assaillants ont intimé l’ordre aux fidèles de renoncer à leur foi. Ils ont brûlé les croix et autres objets du culte et n'ont pas hésité à assassiner froidement ceux qui leur ont résisté. Des actes barbares qui ont été condamnés à travers tout le pays, y compris par la communauté musulmane.

"La communauté musulmane au Burkina Faso, tout comme la communauté chrétienne, sont intimement liées et impliquées dans le vivre-ensemble. Les jihadistes l’ont bien compris. Ils veulent casser cette harmonie et cette symbiose sociale. Mais ils n’y parviendront pas", rassure Stanislas Sankara.

"Des voix s'élèvent contre cette radicalisation"

Le Burkina compterait aujourd’hui 65% de musulmans et 35% de chrétiens. Mais la communauté musulmane ne se comporte pas comme une religion qui écrase les autres. D’autant plus que la population est restée traditionnellement animiste, explique Stanislas Sankara. Le vivre-ensemble a tellement pris le dessus qu’on ne pouvait imaginer de tels actes de cruauté dirigés contre une communauté religieuse, s’insurge-t-il. "Des voix s’élèvent contre cette radicalisation qui est dénoncée par les musulmans au même titre que les chrétiens. Ils élèvent leurs voix pour dénoncer et condamner ces criminels qui commettent des attaques terroristes au nom de l’islam. L’islam ne reconnaît pas ces parias."

Des terroristes qui viennent en kamikazes

Mais certains religieux, encore sous le choc, craignent le pire. Ils redoutent que les chrétiens ne finissent par renier leur foi à cause de la peur, dans un pays où les terroristes semblent disposer d’une capacité de nuisance difficile à anéantir.

On a profané des lieux sacrés. Le ver est dans le fruit. Il faut travailler à l'extirper. Ils veulent opposer les chrétiens aux musulmans, mais ils n'y parviendront pas

Stanislas Sankara, vice-président de l'Assemblée nationale

à franceinfo Afrique

L’homme politique burkinabè reconnaît qu’il est très difficile de stopper des hommes qui viennent en kamikazes pour semer la mort et qui sont souvent mêlés à la population. Mais il espère que l’Etat jouera son rôle pour restaurer la paix et la quiétude dans le pays.

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