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Cameroun: la peur s’installe dans les villes anglophones cibles des attaques

Le nouveau week-end sanglant dans la zone anglophone du Cameroun s’est soldé par un bilan lourd: 7 morts et plusieurs blessés. Les assaillants se sont attaqués à un commissariat de police qu’ils ont détruit partiellement. Puis ils ont saccagé une station-service. Les populations vivent désormais dans la peur. Ils sont des milliers à fuir de l’autre côté de la frontière, au Nigeria.
Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Un manifestant anglophone dans la ville de Bamenda en octobre 2017. En quelques mois, le mouvement socio-économique s'est transformé en conflit armé. Les habitants vivent désormais la peur au ventre. (Photo/Reuters)

Attaques, enlèvements, assassinats, incendies de bâtiments publics... les régions anglophones du Cameroun deviennent de plus en plus inhospitalières pour les populations prises entre deux feux dans des affrontements meurtriers qui opposent les forces de sécurité et les groupes armés des séparatistes.

Depuis fin 2017, plus de 80 militaires et policiers ont été abattus. Une centaine de civils y ont perdu la vie. Quelque 160.000 personnes ont dû fuir leurs logements pour échapper aux violences. La population vit désormais la peur au ventre.

«Nous sommes en guerre ici à Bamenda. Chaque nuit, nous entendons des coups de feu partout. Dès 8h du soir, tout le monde est à la maison.»

«Il suffit qu’une personne se mette à courir pour que tout le monde commence à courir dans toutes les directions. Tout le monde a peur», témoignent les habitants de Bamenda au micro de la BBC.

Dans son rapport publié le 12 juin 2018, Amnesty International s’inquiète d’une spirale de violence sans précédent dans les régions anglophones du Cameroun.
«Meurtres de militaires, actes de tortures commis sur des civils, écoles incendiées, agressions contre des enseignants, arrestations arbitraires.» Amnesty pointe les séparatistes armés et les forces de sécurité. En quelques mois, quelque 34.000 Camerounais ont pris le chemin du Nigeria voisin pour se mettre à l’abri.

Le gouvernement accuse la diaspora camerounaise
Comme le rapporte l’AFP, la contestation ne cesse de grandir et de se radicaliser dans les deux régions anglophones, où vivent environ 20% des 23 millions de Camerounais.

Les grèves d’enseignants et d’avocats anglophones déclenchées fin 2016 pour dénoncer leurs conditions socio-économiques se sont transformées progressivement en conflit armé. Un climat de peur s’est installé. Il est attribué par les autorités aux Camerounais de la diaspora, accusés de mettre de l’huile sur le feu.

«Il y a une confusion entre le fédéralisme et la sécession»
Pour le professeur Pierre Kamé, auteur de «la crise anglophone au Cameroun», l’aggravation de cette crise tient pour beaucoup aux maladresses qu’il y a eu dans sa gestion. Il s’en est expliqué au micro d’Elikia Mbokolo dans son émission La marche du siècle sur RFI.

«On ne peut pas entreprendre de résoudre un problème dont on ne reconnaît pas l’existence. On a passé des mois durant à essayer de nous convaincre que les anglophones auraient disparu au Cameroun au motif que le bilinguisme français-anglais avait beaucoup progressé. On n’a pas voulu reconnaître qu’il y avait dans les revendications qui ont été posées aussi bien par les avocats que par les enseignants, l’expression d’une exigence politique», explique le professeur Pierre Kamé.

«Une initiative politique pour débattre de la forme de l’Etat»
Pour lui, il faut se rendre à l’évidence: le mouvement de revendication à la base de ce conflit porte sur le retour au fédéralisme. Et pour en sortir, il faudrait qu’il y ait une initiative politique pour débattre notamment de la forme de l’Etat que l’on souhaite, sans préjuger du résultat.

«Il y a une confusion, savamment entretenue pour évacuer la question de la forme de l’Etat, au motif que poser ce problème revient indirectement à poser la sécession du Cameroun. Alors que ce n’est pas le cas», soutient-t-il.

Face à la détérioration de la situation sécuritaire, les évêques camerounais ont lancé un cri de détresse à la mi-mai. Ils appellent les frères ennemis camerounais à une médiation pour éviter «une guerre civile inutile»

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