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Gambie : l’ex-président mis en cause dans le meurtre de dizaines de migrants

En 2005, plus de cinquante migrants ouest-africains, pour la plupart ghanéens, ont été exécutés sommairement par une unité paramilitaire sous le contrôle de l'ex-président gambien Yahya Jammeh. C’est ce qu’ont affirmé le 16 mai 2018 deux organisations non gouvernementales, Human Rights Watch (HRW) et TRIAL International.
Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Yahya Jammeh, alors président de la Gambie, à Abuja (Nigeria) le 16 décembre 2015. (REUTERS/Afolabi Sotunde)

Les meurtres, qui remontent à juillet 2005, visaient des migrants clandestins : 44 Ghanéens et plusieurs Nigérians, Sénégalais et Togolais. Ceux-ci ont été arrêtés sur une plage de Gambie alors qu'ils tentaient de se rendre en Europe.

Ils étaient alors soupçonnés d'être des mercenaires venus renverser Yahya Jammeh, selon un communiqué de HRW et TRIAL. Les deux ONG s'appuient sur des entretiens menés depuis deux ans avec une trentaine d'anciens responsables de la sécurité gambienne.

En l'espace d'une semaine, les «junglers», une unité officieuse de soldats choisis au sein de la garde nationale, notamment chargée de la protection du président, «ont exécuté sommairement huit migrants près de la capitale, Banjul, et les autres le long de la frontière sénégalaise», affirment les deux ONG.

A l'époque, un rapport conjoint de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et de l'ONU, qui n’a jamais été rendu public, avait conclu que le gouvernement gambien n'était pas «impliqué directement ou indirectement» dans les assassinats et les disparitions. Selon ce document, ces actes auraient été commis par des «éléments incontrôlés» au sein des services de sécurité gambiens «agissant pour leur propre compte».

«Ces migrants ouest-africains n'ont pas été assassinés par des éléments incontrôlés mais par un escadron de la mort qui recevait ses ordres directement du président Jammeh», affirme Reed Brody, conseiller juridique à HRW, cité dans le communiqué. «Les subordonnés de Jammeh ont ensuite détruit des éléments de preuve essentiels, afin d'empêcher les enquêteurs internationaux de découvrir la vérité», ajoute-t-il.

Martin Kyere, l'unique survivant ghanéen connu, a raconté aux ONG comment son groupe de migrants avait été emmené dans la forêt «à l'arrière d'un pick-up», les jambes «entravées» par des fils métalliques. «J'ai pensé: "nous allons mourir"», a expliqué le rescapé, qui a finalement réussi à se libérer et à sauter du véhicule en marche pour s'évader. Il a ensuite aidé les autorités ghanéennes à identifier une grande partie des victimes et à localiser leurs familles.



Yahya Jammeh bientôt jugé?
Pour les deux ONG, l'ouverture d'une enquête par les autorités ghanéennes pourrait déboucher sur une demande d'extradition de Jammeh,. Selon le Guardian, le gouvernement de Banjul s’apprête à mettre sur pied une «commission vérité, réconciliation et réparations» pour enquêter sur les crimes commis entre 1994 et 2017. «Mais avec les réformes radicales qui ont affecté son système judiciaire et disposant de très peu d’argent, il est peu probable que ce petit pays d’Afrique de l’Ouest puisse poursuivre (l’ancien président) même s’il parvenait à obtenir son extradition», estime le quotidien britannique.

Yahya Jammeh, dont les 22 ans au pouvoir ont été marqués par de nombreuses violations des droits humains, a perdu l'élection présidentielle de décembre 2016 face à Adama Barrow, candidat de l'opposition. Il a fini par quitter son pays en janvier 2017 pour la Guinée équatoriale à la suite d'une intervention militaire de la CEDEAO, au terme d'une crise à rebondissements, provoquée par son refus de céder le pouvoir.

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